SOCIETE

GÉOLOGIQUE

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DE FRANCE.

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PENDANT L’ANNÉE 1832.

LES SÉANCES SE TIENNENT A 7 HEURES 1/1 DU SOIR RUE JACOB , 5.

( 1er ET 5e LUNDIS DE CHAQUE MOIS.)

Janvier.

Février.

Mars.

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Le local de la Société est ouvert , pour tous ses Membres , les dimanches de 10 heures k 4 , et tous les lundis qui ne sont pas consacrés aux séances ordinaires , de , a .0 heures du soir.

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SOCIÉTÉ

DE FRANCE.

1851 A 1852.

AU LIEU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ,

RUE JACOB, 5.

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IMPRIMERIE DE SELL1GEE

rue des Jeûneurs, i/j-

BULLETIN

DE LA

DE FRANCE.

SÉANCES EXTRAORDINAIRES A BEAUVAIS

(département de e’oise) ,

du 6 au 11 septembre 1831 .

Les membres de la Société , dont voici les noms , ont assisté aux réunions de Beauvais , savoir :

MM. de Blainville, Bineau, Boué, Cartier, Cordier, Daudin, Diaz, Duperrey, Graves, Héricart de Thury, Héricart Ferrand, Huot, Michelin, de Montalembert , Regley, Eugène Robert, et Roberton.

Parmi les personnes étrangères à la Société , se trouvaient MM. Cramaille,Husson, Langlois, Leclerc, André Mouffle, Pierre Mouffle, propriétaires à Beauvais , Mutel-Delisle , avocat à la Cour royale de Paris , Pinault , professeur de mathématiques de la même ville , et Donati, de Naples.

La Société , ayant employé les cinq jours qu’elle a passés à Beauvais à faire des courses géologiques assez longues , n’a pu tenir que deux séances , le 6 et le îo septembre , dans une salle de l’hôtel de la Préfecture, local qui avait été disposé par les soins de M. Graves , secrétaire-général de la Préfecture , avec l’autorisation de M. le Préfet de l’Oise.

La discussion des observations faites dans la journée a sur- tout animé la conversation pendant les dîners que les membres de la Société ont toujours pris ensemble.

Le 6 septembre , la Société , guidée par MM. Graves et Bi- neau , visite la localité de Saint-Martin-le-Nœud , et revient, après un détour, par le même chemin.

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SÉANCES DU G Al 11 SEPTEMBRE 1 85 1

Saint-Martin-le-Nœud est séparé de Beauvais par un plateau crayeux d’environ une demi-Jieue de large. La craie étant em- ployée dans ce pays comme pierre de bâtisse, les auteurs de la carte géologique des environs de Paris ont été amenés à l’erreur de croire que les hauteurs , à Fouest de Beauvais , étaient composées de calcaire tertiaire. Sur leur pente orientale près du couvent de Saint-Symphorien , à Beauvais , la Société voit, avec intérêt, deux ou trois liions distincts de silex pyromaque au milieu des bancs horizontaux de craie. D’après M. Graves , ces fentes remplies de silex se retrouvent dans beaucoup d’escarpemens crayeux , à dix Jieues autour de Beauvais. Un dépôt alluvial ancien d’argile limo- neuse jaune couvre cette roche , et son épaisseur est assez considé^ rable au-dessus de Beauvais. Le versant opposé du plateau offre , à Flambermont, sur un pente assez forte, de grandes carrières qui laissent apercevoir distinctement le relèvement des couches de craie. Elles inclinent au N.E. sous 22 %°. Cette craie, assez dure et fendillée, contient des silex, des rognons de pyrite en partie cristallisée, et de nombreux fossiles , tels que des Spatangues ( S. corcin guinum) , des Belemnites, le Dianchora striata, Sow., le Pa- chylos spinosa , le Podopsis striata , le Calillus Lamarckii , les Te- rehratula carnea , octoplicata , iniermedia et semiglobosa , le Stro- matopora concentrica Golf.? M. Graves fait remarquer que les Anan- chites sont rares dans ces assises moyennes de la craie , tandis qu’ils abondent dans la craie tendre , au contraire il n’y a que très- peu de Spatangues.

En s’avançant plus au sud-ouest , on voit, dans un petit chemin creux, près du château de Senefontaine , des affleuremens des couches inférieures à la craie , savoir : de la craie endurcie , fine et blanche, de la craie grisâtre à blocs de calcaire gris ou jaune très- dure, et renfermant des ammonites , des peignes , enfin de la craie marneuse à particules vertes, en partie sableuse, de peu d’épaisseur et contenant en grande abondance des pétrifications, telles que des Turrilites( T. costatus ou une espèce voisine ), des Hamites , di- verses Ammonites (y^. varians } Deluci , inflatus , subspiiiosus Lani. , B eu danti, Coupei , FF oolgari , Sow.) des Nautiles, la Cassis avellana Brong. , F Ostrea carinata , la Chaîna haliotoïdea , Sow. , le Pecten asper , des Belemnites, dcsTérébratules(Zr. gallina Brong. et Lyra , Sow. ) le Spatangus suborbiculatus Brong. , des dents de Squale , etc.

Au-dessous , on aperçoit encore quelques lits de marne argi- leuse noirâtre , puis de la craie grise , et après un espace couvert , on arrive à des sables jaunâtres, avec des rognons de minerai do

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fer. Un épais dépôt d’argile limoneuse diluviale couvre ces cou- ches, qui paraissent former le sol de la forêt voisine de Belloy.

Les couches inférieures à la craie ont Joutes la même inclinaison au N. E. , mais l’angle d’inclinaison est très-faible. Il est donc évi- dent que, dans ces lieux, les couches sont placées sur une pente, fait qui devient surtout intéressant par l’inclinaison opposée au S.-O. que les mêmes assises présentent, d’après MM. Graves et Bineau, à une demi -lieue plus à l’ouest près de la Houssaye , ainsi qu’à Vil lotran, Marché-Godard, Lalandelle, St-Aubin etSt-Germer.

La Société, à défaut de temps et comptant voir ce fait ail- leurs , s’en est rapportée sur ce dernier point avec pleine confiance aux géologues de Beauvais. D’après ces messieurs , l’inclinaison opposée des couches de craie règne sur tous les coteaux qui bordent à droite et à gauche le pays de Bray ; elle est plus ou moins marquée selon qu’on se place au milieu ou vers les points de terminaison de ce pays. Près de Saint-Léger, on rencontre les argiles bigarrées de grès vert. La falaise crayeuse septentrionale du pays de Bray est moins élevée que celle du sud, et, au lieu d’être continue comme cette dernière, elle est divisée en mamelons.

Dans la séance du soir, la Société élit pour président de la réunion, M. de Blainville; pour vice-président, M. Graves , et pour secrétaire, M. Michelin.

Le Président proclame membres de la Société , MM.

Bineau, ingénieur des mines à Beauvais, présenté par MM. de Blainville et Graves.

Colson ( Alexandre) } docteur médecin, à Noyon, départe- ment de l’Oise , présenté par MM. Graves et Michelin.

Daudin (Hyacinthe) , propriétaire à Pouilly, département de l’Oise, présenté par MM. Graves et Michelin.

Rançon, propriétaire à Beauvais, présenté par MM. Héricart de Thury et Héricart-Ferrand.

Le comte de Montlosier à Clermont-Ferrand, présenté par MM. Cordier et Boué.

On détermine les tournées qu’on fera successivement, d’après les renseignemens fournis parM. Graves , qui met sous les yeux de la Société une carte géologique fort détaillée de tout le dépar- tement de l’Oise, et qui y joint celles de plusieurs arrondissemens du même département. Son but est d’enluminer géologiquemen t et successivement; les cartes de tous les arrondissemens.

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Ott lit une lettre de M. le major Peterson relativement à un affaissement de terrain arrivé près de Ralisbonne.

a Dans le calcaire jurassique deRatisbonne,la régularité des cou- ches est souvent interrompue par des fendillemens, et cette roche est assez caverneuse. Au mois de mars dernier, un éboulement as- sez curieux a eu lieu à deux lieues et demie au-dessus de Ratisbonne, un quart de lieue au-dessus des carrières de Kapfenberg, sur la rive gauche du Danube. Environ quatre-vingts arpens de terre , mqitié champs , moitié bois, se sont enfoncés , au milieu de la nuit , avec un fracas épouvantable, de seize à vingt pieds de profondeur. Peu de jours après P événement , j’ai été sur les lieux. Le coup-d’œil était vraiment remarquable , surtout dans la partie couverte de pins, les arbres se croisant dans tous les sens. Quoique personne n’ait connu de caverne dans cet endroit , il était manifeste qu’une voûte avait cédé et entraîné tout le terrain. Dans la partie supé- rieure , c’est-à-dire la plus éloignée du Danube et la plus étroite de l’éboulement, le terrain était élevé au-dessus du niveau du sol, qui présentait comme une crevasse. C’est sans doute par que l’air , subitement comprimé dans la caverne, s’était fait jour. Des personnes qui se sont trouvées sur la grande route à l’heure de l’événement , prétendent avoir vu du feu ; ce qui n’a rien d’éton- nant, puisque un pareil phénomène ne peut guère avoir lieu sans dégagement de calorique et de lumière. Cette circonstance avait fait croire d’abord qu’il s’y était formé un petit volcan j mais il m’a été même impossible de découvrir la moindre trace de lave. »

On communique, de la part de M. Zuber-Karth, deux bro- chures lithographiées : Tune , de lui , est un rapport sur une question industrielle; dans l’autre, M. Weber traite delà ca- nalisation de l’Alsace.

M. Boué présente, une feuille in-folio, offrant les gravures de deux poissons presque parfaits , extraits de la craie par M. Mantell de Lewis. le premier volume des Transactions de la Société littéraire et historique de Quebec. ( Transact. of lhe litterary and historical Society of Quebec. ) Un vol in-8° de 343 pages, avec six petites et cinq grandes planches de coupes. Quebec, 1829.

On y remarque un mémoire sur la géologie du lac supérieur, par le commandeur Bayfield * des notes sur la contrée de Sague- nay , par M. A. Stuart ; des observations sur quelques roches et

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minéraux du Canada supérieur, par le capitaine Bonnycastle; sur la géologie d’une portion de la côte du Labrador, par le lieute- nant Baddeley; sur la géognosie d’une partie du pays de Saguenay; des notes sur les environs de la chute de Montmorency , par M. W. Green ; le catalogue des collections de la Société, ainsi que neuf autres mémoires: l’un sur les coquilles vivantes, par madame Sheppard, trois de botanique, et les autres de géographie et d’his- toire.

Le deuxième volume , de cet intéressant recueil , était sous presse à Quebec, il y a trois mois.

On entend la lecture d'un mémoire de M. Héricart-Ferrand, intitulé : Coupe gèognostique du département de l’Oise, entre Chezy en Orceois ( département de l’Aisne ) et Gournay sur Epte, accompagné d’un profil sur une longueur de i22,5oo mètres.

« Un grand nombre d’observations qui me sont étrangères (1), et d’autres qui me sont personnelles , m’ont suggéré un essai de coupe gèognostique du département de l’Oise. C’est un profil qui coupe ce département de l’est à l’ouest , et traverse plusieurs vallées qui , à raison de leur profondeur au-dessous des plateaux voisins, permettent de bien juger la superposition des divers terrains, depuis le point le plus élevé jusqu’au point le plus bas. Sur toute la ligne de cette coupe on reconnaît ainsi les formations du bassin de Paris, sur un fond de craie , qui se relève tellement vers l’ouest, que les dépôts antérieurs sont à jour dans la vallée de l’Epte, et se prolongent vers le nord jusqu’à Aumale et For- ges.

La formation qui leur est postérieure, la craie, forme un plateau très-élevé dans la partie occidentale d u département entre l’Epte et l’Oise. Le village de Coudray Saint-Germer qui est sur le plateau , est le point le plus élevé de tout le département, sa hauteur indiquée par M. Graves, est de 263 mètres au-dessus du niveau de l’Océan.

Le point le plus bas de tout le département est celui du niveau moyen de l’Oise, près Chambly il 11’est que de 27 mètres au-dessus

(1) Voyez la Description des Environs de Paris , par MM. Brongniart et Cuvier ; le Précis de Statistique du département de l'Oise, par M. Graves, dans X Annuaire pour 1829 ; el un Mémoire de M. Robert , danè les Annales des Mines , vol. VIII, i83o.

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de l’Océan , de 236, par conséquent au-dessous de Coudray Saint- Germer.

Cliambly est en avant de la ligne d’intersection de ma coupe. Mais en remontant l’Oise, on arrive à Creil, point le plus bas de cette coupe, et qui d’après la pente connue de l’Oise, peut être fixé à 3i mètres au-dessus de l’Océan ou 232 mètres au-dessous de Coudray Saint-Germer.

Du côté de l’Est, il faudrait traverser tout le département de l’Aisne, et entrer dans celui de la Marne, pour trouver la craie, du côté d’Epernai, à la limite occidentale du département de l’Aisne ) la formation gypseuse existe sous le plateau , et le gypse y est exploité par puits, sans se montrer au jour dans la vallée de Chezy, ni dans celle de l’Ourcq à Mareuil.

Le plateau entre la vallée de Chezy et la vallée de l’Ourcq, reconnu de plusieurs côtés , présente de haut en bas , les for- mations suivantes: le terrain d’eau douce supérieur, les grès marins supérieurs, les sables et les grès (de Fontainebleau, d’Ermenonville, de Mortefontaine ) , Ie calcaire grossier marin.

La prise d’eau du canal de l’Ourcq à Mareuil est élevée de 85 mètres , 43 décimètres au-dessus du niveau de l’Océan. La vallée y est assez profonde pour entamer entièrement les bancs solides de la formation du calcaire grossier marin , et mettre à jour des sables et des argiles. Ces derniers, d’après M, Bineau , appar- tiendraient encore à la formation du calcaire grossier marin , et non à l’argile figuline et à l’argile plastique de M. Brongniart.

Remontant de Mareuil à la plaine de Thury , élevée de i55 mètres, on reconnaît au-dessus des sables et des argiles précédents, et particulièrement à la pointe de Houillou sur la grande route de Paris , la glauconie grossière, les bancs calcaires avec num- mulites , toute la masse du calcaire grossier marin, et entrant en plaine , les marnes silicéo-calcaires rapportées au calcaire siliceux, et des indices de la formation gypseuse représentée par des marnes contenant quelques quartz lenticulaires. Montant toujours , on at- teint et on dépasse la grande formation des sables et des grès ( de Fontainebleau ) , et on arrive au plateau du terrain d’eau douce supérieur.

Les fouilles des puits constatent pour la composition de ce ter- rain d’eau douce supérieur et de haut en bas : Terre végétale , humus, limon argilo-calcaire , o m. 16 cent. ) terre rouge, terre franche argileuse ,6 m. 5o cent. ; terre brune, argileuse avec silex zonés en masse, ou rognons applatis , entiers ou fracturés , contenant des lymnées et des gyrogonites, 5 m. 5o cent. ; marne

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et calcaire d’eau douce contenant des lymnées et des gyrogonites, 4 ra. 90 cent, ; marne graveleuse (nappe d’eau des puits ) o m. 65 cent. ; marne argileuse verdâtre , o m. 3s cent. total 18 m. o3 cent. Plus bas on a trouvé les sables et les grès.

Les pentes du plateau de Thury montrent successivement tou- tes ces nuances du terrain d’eau douce supérieur.

Sur la pente du midi on trouve, sous ce terrain d’eau douce, les grès marins supérieurs qui reposent sur la grande masse des sables et des grès (de Fontainebleau).

Les coquilles des grès marins supérieurs sont toujours intactes et bien conservées; celles de la grande masse de sable sont usées et semblent avoir été roulées. La zone de sable dans laquelle elles se trouvent, contient ordinairement une quantité immense de discor- bites.

C’est à Acy , un myriamètre au plus au midi , que se trouve le trou Saint-Pierre, ce gisement de fossiles, connu depuis peu d’an- nées seulement , et qui appartient aussi à la grande masse des sa- bles et des grès (de Fontainebleau).

Revenant à la ligne de ma coupe, et descendant du plateau de Thury, vers l’ouest, dans le vallon de la Clergis, on retrouve les sables et les grès marins supérieurs , et au-dessous la grande masse des sables et des grès. Dans la longueur de ce vallon, et dans des endroits tout est en place, on voit dans la partie supérieure de la grande masse de sable , une zone de sable noir de trois à quatre mètres d’épaisseur* Cette zone se retrouve dans une foule d’endroits avec une très-grande régularité, soit dans les escarpemens , soit sur les pentes et ies plateaux sableux. Ç’est elle qui fournit particuliè- rement le sable de bruyère.

Le plateau de Leviguan , élevé de 140 mètres au-dessus de l’O- céan , offre la même formation de terrain d’eau douce supérieur que le plateau de Thury. Elle y est moins épaisse et finit prompte- ment à la sortie de ce village du côté du midi. Aussi trouve-t-on à peu de distance et notamment sur la grande route de Paris à Sois- sons , entre la 29e et la 3ie borne milliaire, des roches arénacées , classées par M. Brongniart dans Jcs grès marins supérieurs , tan- dis que M. Robert les place parmi les grès coquillers marins du calcaire grossier.

Les sables forment lesol de toute la plaine autour de Rouville et d Ormoy-Emy-les-Champs, à l’ouest de Leviguan. On y rencontre quelques gisemens de coquilles, qui appartiennent à la même for- mation que les grès marins supérieurs de Leviguan.

Le plateau de R.osicres du mont Luats est élevé de 109 mètres,

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Il est de sable surmonté par la formation d’eau douce supérieure , encore semblable à celle de la plaine de Tlmry.

La butte de Montepilloy, qui n’est qu’un démembrement du plateau précédent, n’a plus que i3o mètres de hauteur, et porte encore sur son sommet un terrain d’eau douce, qui ne me paraît être que la partie inférieure du terrain d’eau douce des plateaux de Rosières, de Levignan et de Thury mais M. Eugène Robert le rapporte au terrain d’eau douce moyen.

La butte d’Aumont n’est que de sable, et n’est élevée que de 121 mètres. Elle a été fortement entamée du côté du midi, ayant four- ni depuis environ cent cinquante ans la matière première à la ma- nufacture des glaces de Saint-Gobain.

La partie supérieure de la formation du calcaire grossier marin est exploitée dans la petite vallée d’Àunette, qui sépare la butte de Montepilloy de celle d’Aumont.

La vallée de l’Oise à Creil est creusée dans le calcaire grossier marin et les argiles figuline et plastique. La rivière coule dans la craie. Sur le chemin de Creil à Verneuil on trouve les coquilles marines et fluviatiles des argiles figulines du Soissonnais.

Au delà de l’Oise, sur la rive droite , les collines deMontataire , élevées de 74 mètres et de Mello de 98, font partie l’une et l’autre d’un même plateau de calcaire grossier marin , dont la base obser- vée dans la vallée du Therrain , présente encore les coquilles ma- rines et fluviatiles des argiles du Soissonnais.

La vallée du Therrain , en face de l’église de Mello , est élevée de 39 mètres. La craie paraît à peu de distance sur son côté droit , en abordant la base du grand plateau de craie, qui porte Sainte- Geneviève-le-Vauroux, le Coudray-Saint-Germer et Saint-Germer.

Toutes les observations précédentes constatent, sur la ligne de ma coupe géognostique du département de l’Oise, la présence des di- verses formations du bassin des environs de Paris . ou au moins les indices de celles qui n’existent point. Mais il reste à reconnaître si au passage des argiles plastiques à la craie, dans les vallées du Therrain et de l’Oise, on trouverait ces poudingucs siliceux de la vallée du Loing , si abondans entre Nemours et Château-Landon , et appelés terrain élastique par M. Brongniart. Les trois localités déjà connues de ce dépôt sont à la limite du bassin de Paris , Ne- mours et Moret , dans la vallée du Loing et à peu de distance de Creil , La Morlaye , à l’ouverture de la vallée de la Thève dans celle de l’Oise.

Ces mêmes poudingues supérieurs à la craie se trouvent dans la vallée du Loir, de Bonneval à Châtcaudun , et dans la vallée de la

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Couie qui descend du plateau entre Chartres et Orléans , et vient s’ouvrir dans celle du Loir. Ces deux localités appartiennent au dé- partement de l’Eure. A une grande distance, au Nord, dans le dé- partement de l’Aisne, près de Saint-Gobain, on retrouve encore ces mêmes poudingues.

Sous la terre végétale du plateau de Thury, j’ai indiqué par les noms vulgaires de terre rouge, terre franche argileuse , un limon de six à sept mètres d’épaisseur. Cette couche limoneuse neressem- ble en rien à celle qui lui est inférieure. Elle ne contient point de silex. Appartient-elle bien au terrain lacustre supérieur , au groupe des terrains épilymniques , ou au terrain diluvien , au groupe des terrains clysmiens ?

La terre végétale du haut plateau crayeux de Coudray-Saint-Ger« mer contient en grande abondance des galets siliceux qu’on retrouve sur tous les plateaux de craie du nord-est du département. Ils me semblent appartenir au terrain diluvien , mais aux galets du groupe des terrai ns clysmiens détritiques; le gravier et les galets de la vallée de l’Oise ne peuvent se rapporter qu’aux terrains alluviens cail- louteux.

Enfin , les exploitations des tourbes herbacées des vallées de l’Ourcq et du Therrain constatent l’existence des terrains alluviens phytogènes. »

La journée du 7 est occupée par l’inspection des points de Bresle et de Laversine.

La Société visite près de Rochecondé, les sables argilo-marneux à grains verts, et coquillers qui forment, dans les environs de Beau- vais, la base du calcaire tertiaire reposant sans autre intermédiaire sur la craie. Elle y trouve des débris de Cucullées, et dans une marne brune supérieure à ces sables , des traces de lignite , et un mélange de coquilles marines et d’eau douce , accident qui rappelle les argiles à lignites du Soissonnais.

La Société se rend à une éminence appelée le Mont-César ( à l’est du bois de Quesnoy ) , qui domine la contrée , et est formée des mêmes sables tertiaires, coquillers et à glauconie , sur lesquels est placé un lambeau de calcaire grossier.

Elle observe , au milieu des marais de Bresles, un petit mamelon des mêmes sables qui offrent une très-grande quantité de fragmens brisés de Cucullées, de Pectoncles , de Corbules, de Limes, etc. La grande tourbière de Bresles lui offre la coupe suivante de haut en bas: ï° du limon calcaire pétri de coquilles terrestres, de la tourbe blanchâtre mêlée de sable , de la tourbe grise à coquilles fluvia-

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tilcs et lacustres, de la tourbe noire ou brune à racines, de la tourbe compacte bitumineuse sans débris de végétaux et à fer phosphaté , de la tourbe brune à restes d’arbres , tels que des feuilles et des fruits de noisetiers , des branches et des troncs de coudrier, de bouleau , d’aulne. D’après la collection de M. Gra- ves , il y a aussi des bois de cerf , de chevreuil , de cheval , de castor et d’aurochs, 70 de la tourbe sableuse, de l’argile brune ou grise.

Le village de Laversine offre, au-dessus de la craie , un lambeau très-petit d’un dépôt calcaire coquiller qui occupe, d’une manière fort intéressante , les momens de la Société.

Ce calcaire est compacte , poreux ou friable , blanchâtre ou jau- nâtre et plein de fossiles , la plupart en moules , tels qu’une es- pèce de Lime voisine de la Lima plicata de la Tourraine , une Arche voisine de Y Area clathrata du même pays, des Lucines, des Cerithes, des Trochus, des Turbos, des Pleurotomaires, des Cranies, des Cidarites } des Polypiers , des Spiropores, etc. Il forme un es- carpement de vingt à trente pieds de hauteur , et a environ cent mètres de long sur vingt de largeur. Il est divisé en bancs peu distincts ; néanmoins lorsqu’on peut y apercevoir les joints de stratification , l’inclinaison est au S. O. sous i5° , tandis que la craie, qui resort à vingt pas de , incline distinctement au S.

La masse inférieure du dépôt est plus compacte et renferme quelquefois des petits nodules irréguliers d’un silex corné grossier et se fondant avec la masse du calcaire , tandis que supérieurement elle est plus tendre, plus jaunâtre et pétrie de Limes.

Ce dépôt repose positivement sur la craie.à Belemnites, puisqu’on la découvre dans le fond d’une des excavations faites dans ce cal- caire , dont elle est séparée par un petit lit d’un pouce environ de marne calcaire. De plus, la craie se montre clairement jusqu’à la surface du sol, dans un puits creusé à cinq pas du pied de l’escarpe- ment du calcaire problématique. Enfin la craie se montre au jour à vingt pas à l’ouest; tous les caveaux d’une grande partie du vil- lage sont creusés dans cette roche , et la plus petite portion du ha- meau est bâtie sur le calcaire coquiller, qui a été aussi miné pour des celliers. Il paraît donc clair qu’on a là, sur le bord d’un vallon très-évasé, un petit lambeau d’un dépôt placé en stratifica- tion discordante sur la craie , et adossé contre une pente du vallon , ou pour parler géologiquement, dans une petite anfractuosité d’un rivage crayeux. Il s’agissait maintenant de déterminer l’âge de ce dépôt; les fossiles et la nature minéralogique de la roche pouvaient être les seuls guides. Tout le monde avoue que ce n’est pas du calcaire tertiaire parisien , puisque la roche n’en pré-

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sente ni les fossiles, ni la texture- mais plusieurs personnes sont d’accord pour y reconnaître des analogies de fossiles et de contex- ture, soit avec certaines roches de Valognes et de Maëstricht , soit avec le calcaire tertiaire de Bordeaux et les faluns en général.

Ce serait donc un dépôt tertiaire très-récent qui n’aurait pas été découvert jusqu’ici , quoique très-près de Paris. D’un autre côté quelques personnes, en admettant cette classification, voyaient s’élever dans leur esprit des doutes sur le classement véritable de certains calcaires de Valognes et surtout de Maëstricht. Malgré l’ absence des Baculites et des Bélemnites, on se demandait si les assises coquillères des souterrains de Maëstricht placées , d’après tous les observateurs , entre la craie à silex et un certain calcaire évidemment tertiaire , ne pourraient pas être une dépendance du sol tertiaire supérieur , et non pas de la craie. La présence seule des Bélemnites ne paraissait même pas tout-à-fait contraire à cette idée , puisque cette espèce de fossiles de la pierre de Maëstricht a l’air souvent d’avoir été roulée, et que M. le comte de Munster et d’autres personnes en ont observé , ainsi que des fossiles secon- daires, dans le sol tertiaire supérieur de la Westphalie. De plus, les roches particulières de Maëstricht ont toujours offert, à quel- ques membres de la société, un air de parenté, avec les grands dé- pôts de calcaire tertiaire supérieur ou calcaire à coraux de l’Au- triche , de la Hongrie , de la Gallicie, etc.

Le temps ne permet pas à la Société d’aller voir , en revenant de Laversine, au nord de Bracheux, une petite butte composée de sa- bles verts tertiaires inférieurs et riches en coquilles. M. Graves y cite en particulier les fossiles suivans : Voluta depressa Lam. Cu- cullœa crassalina , Venericardia pectuncularis et multicostata , Melania plicatula Desh. Ostrea bellovacina , Cardium hybridum Desh. , Cytherea obliqua et bellovacina , Lucina uncinata , scala- ris et grala , Crassatella sulcata , Corbula longirostris Desh. , Nuculafragilis Desh., Lar varia fragilis Def. , Cerithium lacry- mabundum Def. Aucune de ces coquilles ne se rencontre , d’après M. Graves, dans les couches ordinaires du calcaire grossier, et il connaît déjà plus de dix gisemens semblables à celui de Bracheux. Dans quelques uns, le sable est agglutiné en grès dur, qui sert de pavé, alors il n’y a plus que des moules de coquilles.

La Société se rend à Savignies , Saint-Germain-la-Poterie et Saint-Paul.

En montant de Savignies à l’O. N. O. au Mont-Benard (228 mèt. de hauteur absolue ), clic voit successivement resortir les couches

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principales des assises supérieures du grès vertj, savoir : des assises assez puissantes de grès jaunâtre, blanchâtre et rougeâtre avec des traces de minerai de fer, des marnes argileuses ; enfin , sur le plateau des couches d’une excellente argile plastique ou à potier , surtout grisâtre et à pyrites : on y observe dans certains lits des petites bivalves ( Corbules et Nucules), et des traces végétales. L’inclinaison de toutes ces couches est au N. E. sous 22,0.

D’après M. Graves , les couches composant le Mont Bénard , ne sont pas continues dans toute la butte et n’y ont pas non plus une épaisseur semblable. Malgré cette irrégularité il pense pou- voir en dresser la coupe suivante de haut en bas :

Sable jaunâtre ferrugineux mêlé d’argile marbrée rousse et blanche , sable gris micacé à argile jaunâtre et grès en fragmens , ce banc contient un niveau d’eau, argile rougeâtre ou grès ferru- gineux à mica , argile bleue dite terre à grès contenant des pyrites ou lignites , Y Ammonites splendens , Deluci, Lcimberti , Le<we - siensisj Mantelli, dentatus , tuberculatus , hippocastanum , Hamites intermedius et compressus , Nucula pectinata et producta, Ino - ceramus concentricus , Pecten quinque-costatus et Squalus , Rostel- laria carinata Mantell. etc, , banc qui serait le Gault , argile grise, plus douce sans fossiles , grès ferrugineux avec bois fossile , sable gris, argile grise dite la terre à plombeur, banc qui serait d’après M. Graves fluviatile comme le précédent, enfin du grès vert.

De ce lieu la Société se rend à Courcelles dans une localité le chemin creux laisse voir de nouveau les couches jaunâtres et arénacées du grès vert } tandis que plus loin dans un champ près de Ville en Bray , l’on peut voir des couches coquillères qui oc- cupent dans le grès vert , une place plus inférieure sous la marne bleue. Ce sont des grès verts calcaires en partie à ciment de spath calcaire ( Grit des Anglais) avec des impressions res- semblant un peu à de grands Fucoides branchus? et des luma- chelles arénacées'à grains verts et à petites Huitres, Anomies, Poly- piers, etc.

M. Graves place entre ces deux dernières roches une argile verdâtre et il cite dans le grès vert spathisé la Trigonia scabra et rugosa , la Mya mandibulata , des Cucullées et des Huitres. Ce banc forme ailleurs des assises puissantes.

La Société revoit à Lafresnoy de grandes carrières de grès vert supérieur, offrant du grès jaunâtre à traces de végétaux en partie changés en fer hydraté et à impressions ; et inclinant au N-E. Cette masse paraît être intercalée entre deux assises d’argile dont l’in- férieure ressort non loin de là.

SEANCES DU G AU 1 1 SEPTEMBRE 1 83 1 * ij

Après une promenade au milieu du bois de Ville en Bray, la So- ciété monte sur les hauteurs pelées et couvertes de bruyères près de St-Germain-la-Poterie ( 1 64 met. de hauteur ), pour y observer un vaste dépôt de minerai de fer oolitique exploité et appartenant au grès vert supérieur. Elle voit ce fait avec d’autant plus de satisfaction qu’on ne peut pas en désirer d’exemple plus distinct. D’après M. Gra- ves, ce minerai entouré de sable rubanné jaune se trouve à B.ainvil- îers, repose sur une argile à potier pétrie de coquilles marines, et renferme des morceaux de fer hydraté ocreux à fossiles marins.

Le retour à Beauvais , offre encore à la Société l’occasion de voir entre Goincourt et Saint Paul, à la Sablonnière de Saint-Paul, une autre dépendance curieuse du grès vert, telle que les couches qui re- présentent en grande partie à Beauvais les couches fluviatiles de la foret de Tilgate en Angleterre. La Société y remarque des escarpe- mens assez grands d’un grès fin , blanchâtre ou jaunâtre à impres- sions végétales monocotyledons et même à fougères (Pecopteris reti- (Cw/atoMantell. ou Lonchopteris y Ad. Brong.)et audessus des couches marneuses avec des lits d’une marne ferrugineuse jaune, brune à petits grains de fer oolitique et à coquilles marines , soit bivalves, soit univalves, telles que la Trigonia cilœformis Sow.,des Nucules, des Thethis Sow. et des moules intérieurs difficiles à classer.

Le 9 , la Société se rend à Gournay, par Savignies, Hanvoile et Hecourt.

M. Graves lui fait observer, près de Glatigny, que la craie repose sans l’intermédiaire de la craie chloritée sur le grès vert supérieur ou ferrugineux. Ce fait se répète sur toute la lisière nord-est du pays de Bray.

Dans le village d’Heraulle près d’Hanvoilc , la Société observe dés argiles grises à potier et smectiques, qui renferment les mêmes empreintes de fougères que le grès de la sablonnière de Saint-Paul, ainsi que des Ammonites et divers moules de petites bivalves; telles que des Nucules et des Corbules. Ce sont encore des dé- pendances du grès vert se trouvant sur le même horizon géologi- que que l’argile de Savignies.

Au dessus d’Hanvoile , la société observe , dans une carrière , du grès vert calcaire, et des calcaires arénacés jaunâtres, à petites Ano- mies, Peignes, Modioles etc. , appartenant aussi au grès vert in- férieur. On y trouve des masses non en place de lumaclielles bleues à petites Gryphées, et à Vembé prés de Gerberoy, des lumaclielles a Anomies. Un membre remarque des blocs d’une lumachelIeàPa- ludines semblable au marbre de Sussex. M. Graves n’a encore trouvé cet te roche qu en blocs et généralement aux points de contact

Soc. Gdol. Tome II. 2

l8 SÉANCES DU 6 AU 11 SEPTEMBRE 1 85 1 .

des sables ferrugineux et du grès vert inférieur, soit au-dessus d’Hanvoilc , soit à Hannaches, mais il ne doute pas qu’on ne la dé- couvre un jour en place, dans le pays, comme c’est le cas pour les blocs d’autres lumachelles.

En moutautau plateau du moulin de Bois-Aubert ou de Senantes, quelques membres voient des affleuremens de marnes grises et bleuâtres inclinant au N. E., tandis que les blocs couvrant les champs et les carrières, indiquent que le plateau est formé de calcaire compacte blanc à aspect lithographique , mais non feuil- leté et couvert d’une lumachelle rosâtre pétrie d’une espèce de petite Gryphée très-voisine, si ce n’est l’identique de celle appelée Gryphea virgula. L’inclinaison très faible des couches y est au contraire au N. O. et reste ainsi jusque vers Gournay.

En se rendant au village de Hecourt, la Société a occasion encore de voir des affleuremens d’alternats d’argile bleuâtre ou noirâtre et de lumachelle bleuâtre à petites Gryphées. Elle rencontre aussi beaucoup de blocs de ces lumachelles et y observe des grandes Hui très, des Ammonites, des Térébratules etc.

M. Graves a déterminé dans les lumachelles les fossiles suivans : Gryphea virgula Defr. ou angusta Lam., Y Ostrea gregarea Sow., Trigonia nodulosa Lam. , Perna aviculoides Lam. , Ammonites contractas Blainville et coronatus Schloth, Gryphea latissima et Cidarites crenularis Lam. Les deux premiers fossiles forment la grande masse de la roche.

Sous la conduite de M. Langlois de Beauvais , la Société va voir dans sa propriété, au N. O. de ce village un puits percé à travers les lumachelles et le calcaire compacte jusqu’à la profondeur de quarante pieds. D’après le rapport de ce propriétaire , espérant trouver delà houille, les ouvriers se seraient arrêtés dans une roche bleuâtre très dure , dont M. Graves conserve des échantillons rap- portés par les ouvriers , et ramassés par Jui dans les déblais du puits.

La Société n’en peut malheureusement trouver aucune trace , mais elle reconnaît bien positivement dans la collection de M. Graves que cette roche est un calcaire intermédiaire à encl ines identique avec ceux de la Belgique et de Marquise en Picardie.

Quoi qu’on puisse élever des doutes sur ce rapport d’ouvriers, et que les échantillons n’aient pas été détachés par M. Graves lui-même, il n’en serait pas moins important de vérifier, s’il est possible, cette curieuse observation. Si elle était vraie, des crêtes ou des proéminences de terrain ancien perçant à travers les dépôts secondaires les plus modernes ou s’étant trouvées assez élevées, pour n’être pas recouvertes par eux, seraient peut-être les causes de ces

SÉANCES ru 6 AU 11 SEPTEMBRE 1 85 1 . i q

dos d’âne que forment , soit dans cette contrée, soit dans le sud- est de l’Angleterre , les couches du grès vert , de la craie et même des dernières assises jurassiques. D’autres personnes y voient plu- tôt des motifs suffisans pour la supposition de soulèvemens. Tel est l’objet des discussions de la Société pendant le reste de cette soirée ; mais un autre fait assez problématique appelle son attention.

Non loin de ce puits de M. Langlois , ce propriétaire conduit la Société dans une prairie où, pour établir un étang, il avait fait faire une tranchée assez profonde dans le soi. Il avait coupé des alter- nats d’une marne noire bleuâtre à pyrites et à huîtres qui parais- sent en partie, à quelques personnes, malgré la médiocrité des échantillons, voisines de Y Ostrea deltoidea. Mais M. Graves ne partage pas cette opinion. Certains membres de la Société veu- lent reconnaître en conséquence l’argile de Dives ou de Kim- meridge, dans ce dépôt , placé en effet sur un niveau plus élevé que les lumachclles du puits. Ce classement pourrait bien être le véritable; car on retrouve aussi en Angleterre, sous et dans l’argile de Kimmeridge des lumachclles à Gryphées virgules; ce gisement serait alors analogue à celui d’Oxford , les couches de Portland sont simplement représentées par certaines couches arénacées coquillères qu’on n’a pu séparer du grès vert que par suite du soin minutieux, avec lequel les Anglais ont examiné le détail des couches secondaires récentes. Mais le temps pressait et la Société aurait été obligée de retourner fort loin sur ses pas pour voir si elle pouvait adopter cette idée en pleine conviction , ou si ces argiles n’étaient encore que des dépendances inférieures du grès vert. Elle regrette de n’avoir pu donner assez d’attention , à cause du mauvais temps , aux affleuremens sur le versant sud-est du plateau de calcaire lithographique.

Le 10, la Société retourne de Gournay à Beauvais par la grande route.

Elle voit en chemin, à Epaubourg, la belle exploitation d’ar- gile plastique grise, jaune et rouge : dépôt évidemment dépen- dant du grès vert comme le prouvent les affleuremens qui parais- sent çà et sur la route , et l’absence totale de l’argile plastique tertiaire près de Beauvais.

A Saint-Gertner , la Société observe des grès ferrugineux en plaquettes; et au lieu dit le Becquet, près de Saint-Gcrmer , elle examine un dépôt pyriteux très-récent, et exploité pour une fa- brique de couperose. Sous la tourbe ordinaire et le limon for

20 SÉANCES DU f> AU 11 SEPTEMBRE 1 85 1

niant ensemble une épaisseur de quinze pieds, on rencontre des bois en général très-faiblement bituminisés et appartenant évi- demment à des espèces croissant dans le pays tels que le bouleau , le saule , le coudrier et le noisetier. L’écorce de ces troncs est sou- vent intacte ; et on y voit meme des noisettes. Plus bas au dessus de ces bois, empâtés dans un gravier noirâtre et incrusté de fer sulfuré, il y a, d’après MM. Graves et Bineau , une couche de lignite friable alunifère, ayant 3 pieds d’épaisseur ; enfin , un lit de galets siliceux noirâtre de 3 pieds. Malheureusement l’eau rem- plissait les excavations. Quelques membres vont visiter plus loin un autre amas tout-à-fait semblable, près de Goincourt , et sont assez heureux pour y trouver une coupe présentant 20 pieds de li- gnite pyriteux , 3 pieds de galets noirs et 3 pieds de lignite pyri- te ux. D’après M. Graves, on y distinguerait une couche d’arbres ren- versés (2 met.), de la tourbe noire compacte (25 centim.), du gra- vier vitriolique fin ( 2 mèt. ), du gravier semblable grossier avec des silex de la craie (60 centim.), des galets siliceux à pyrites avec des oursins silicifiés, et de l’argile. Des ossemens de chevaux , de bœuf et de chevreuil se trouvent dans ces deux dépôts.

L’opinion la plus générale, dansla Société, est quec’esL un sédiment alluvial ou lacustre, sur lequel s’est formée postérieurement de la tourbe, mais ce sédiment doit être fort ancien, puisqu’il participe à la coupure de la vallée.

L’après-midi est employé à visiter en détail la belle collection de M. Graves , la Société voit avec le plus grand intérêt , outre toutes les roches de l’Oise , groupées géologiquement, une nombreuse et superbe suite de fossiles très - bien classés. Parmi ces derniers on remarque beaucoup d’ossemensde rumi- nans (bœufs, cerfs) trouvés dans les tourbières. M. Graves a des doubles en assez grande quantité pour qu’il veuille bien en pro- mettre à la Société un envoi considérable. Il fait la proposition d’adresser une circulaire générale aux membres pour les enga- ger à enrichir les collections de la Société ,et de leur indiquer en général les objets qui pourraient être utiles.

M. Graves montre en particulier, à la Société, une craie jaune de Hedencourt (canton deFroissy) qui, par son aspect et sa na- ture cristalline avait l’air magnésienne, ce qui ne se trouve pas vérifié à cause de l’effervescence vive qu’elle fait avec les acides.

Quant aux dents de cheval que M. Graves a recueillies dans un bloc de craie près de Beauvais , il reconnaît lui -même

SÉANCES DU 6 AU 1 1 SEPTEMBRE 1 85 ï . 2 J

combien ce fait est douteux, et il regrette qu’on en ait fait mention publiquement. La Société s’assure que la craie en- tourant les dents est moins fortement aggrégée qu’à l’ordi- naire, de manière qu’elle a plutôt l’air d’un limon crayeux, qui aurait enveloppé ces dents , qui seraient tombées accidentelle- ment dans une petite fente ou empâtées dans la surface délayée d’un bloc de craie. D’ailleurs elles ne sont nullement fossilisées.

Après l’examen de la collection de M. Graves , la séance est ouverte par la présentation, au nom de M. Buckland, d’une suite nombreuse de divers Goproiites, tant en moules qu’en nature , et d’un mémoire extrait du volume , sous presse , de la Société géologique de Londres intitulé : « Sur les restes d’éléphans et d’autres quadrupèdes trouvés dans le limon gelé de la baie d’ Eschsclioltz dans le détroit de Bering t et sur d’ autres rivages des mers arctiques . »

11 est fait lecture d’une lettre de M. de Montlosier, qui té- moigne tout l’intérêt qu’il porte encore à la science.

. On lit le mémoire suivant de M. Teissier d’Ànduzc, intitulé : Note sur une grotte à ossemens près d'Anduze, département du Gard, mémoire accompagné d’un envoi d’ossemens fossiles.

<f 11 y a quelques jours qu’on a découvert, à deux lieues au nord- est d’Anduze , dans la commune de Mialet, une grotte à ossemens dans le calcaire jurassique caverneux. Cette caverne s’appelle la Grotte du Fort elle est célèbre dans le pays , parce que, pendant les guerres des Camisards,elle servit souvent de lieu de refuge ou d’assemblée aux pasteurs et aux liabitans persécutés.

Ces ossemens, dont une partie m’a été donnée, me paraissent appartenir à l’ours des grottes ( Ursus spelœus ) et j’adresse à la Société une moitié gauche de maxillaire inférieure ; un fragment de maxillaire supérieur du même côté , l’un et l’autre garnis de dents une seconde vertèbre cervicale ; une partie inférieure d’humérus 3 un fragment de fémur et de tibia deux rotules , un calcanéum, un os du métatarse; plusieurs dents détachées; une phalangette de l’extrémité delà griffe, et un cône évidé, qui paraît avoir été un ongle, ou n’est peut-être qu’un débris de dent.

La caverne ces ossemens ont été trouvés est spacieuse et élevée. Les ossemens reposent sur le sol , empâtés dans un limon argilo- ferrugineux. Ces ossemens ont été aperçus après quelques coups de bêche donnés sans dessein ; de sorte que , quoique les

22 SÉANCES D1J G AU 11 SEPTEMBRE 1 85 1 .

recherches se soient bornées , on peut être assuré que la grotte en contient une grande quantité.

Eu élevant les flambeaux vers la voûte, on aperçoit qu’un limon pareil à celui du sol est resté attaché en plusieurs endroits aux rochers du plafond , et que ce limon empâte beaucoup de fragmens osseux. O11 peut donc penser que la grotte , primi- tivement vide, a été remplie de [limon mêlé d’ossemens par une action violente, celle des eaux sans doute ; que, postérieure- ment , l’action des eaux agissant en sens contraire , a déblayé une partie de ce dépôt delà caverne; cependant une partie de ce mélange d’ossemens et de terre est restée attachée aux parois et à la voûte de la caverne comme un monument des révolutions qui s’y sont succédées. L’observation de ces ossemens attachés à la voûte, ne détruit elle pas l’opinion de ceux qui pensent exclusivement que les animaux ont vécu dans les grottes , l’on trouve leurs débris?

Il est une autre remarque tout aussi curieuse : c’est que sur le limon les ossemens sont empâtés, et sous un petit avancement de rocher on a trouvé un squelette humain. Auprès de ce sque- lette était une figurine en terre cuite (argile jaune fine ) représen- tant un romain vêtu de la tunique , et drapé de son manteau qu’il relève de la main gauche : il a les bras , les jambes et la tête nus , le front découvert, et les cheveux coupés à la Titus. Cette figurine de six pouces de hauteur, évidée à l’intérieur, et pénétrée en cer- tains endroits par le limon de la caverne, est en la possession de M. Miergue, chirurgien de cette ville; si la Société le désire, je pourrai lui en envoyer un dessin.

Ce squelette , cette figure en terre cuite parfaitement conser- vée, ces ossemens et les circonstances de leur position relative, peuvent jeter quelque jour , comme la Société le sentira parfaite- ment , sur la question soulevée par MM. Tournai et de Chris toi au sujet des cavernes de Bize , de Souvignargues , dans les- quelles ils ont trouvé des ossemens d’espèces animales perdues , des ossemens humains et des débris de poterie. »

La Société, en remerciant M. Teissier, le prie d’envoyer un dessin de la figurine.

La lecture d’autres notices est renvoyée, faute de temps, aux séances ordinaires.

Le reste de la séance est employé â discuter les observations faites sur la stratification et la composition du sol secondaire de Beauvais.

M. Cordicr en esquisse un profil , et fait voir le peu de rai

SÉANCES DU 6 AU 11 SEPTEMBRE 1 85 1 .

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sons qui paraissent militer en faveur de la supposition que le pays de Bray est l’axe central d’un soulèvement qui aurait cour- bé en dos d’âne toutes les couches de la craie , du grès vert , ainsi que du calcaire jurassique tout-à-fait supérieur. Toutes ces masses n’offrent que des inclinaisons très-faibles , et paraissent être,, par conséquent, dans leur position originaire.

La Société pense qu’il serait convenable de faire lithogra- phier d’après les observations précédentes une coupe des cou- ches entre Beauvais et Gournay (Voyez Planche I, fig. 1 ),

Le tableau suivant offre l’ordre approximatif que la Société croit entrevoir dans la succession des couches observées :

ÉTAGE

DE LA CRAIE PROPREMENT DITE. ÉTAGE

DES SABLES VERTS.

ETAGE DES SABLES FERRUGINEUX.

ÉTAGE

DES

GRÈS VERTS.

ÉTAGE

DES MARNES PETITES GRYPHÉES.

( Craie blanche à lits el filons de silex. ( Entre Beauvais et < Saint-Martin-le-Nœud.)

( Craie dure ou calcaire crayeux. (Flambermont.)

| SableSavStsnS Ve' tS‘ } tchâteau de Sénefontaine.)

'Argile lie de vin bigarrée. (Epaubourg) ?

Sables quarlzeux/rouges, roses et jaunâtres, avec minerais de fer. (Savignies.)

Sables blancs ou roussâtres. (A l’ouest de Savignies.) Couches de minerai de fer. (Mont Bénard.)

1 Argile de Savignies. (Mont Bénard.)

] Argile à coquilles marines. ( Bois de Craine , près de l’Hé- raulle.)

\ Sable ferrugineux.

| Minerai de fer en grains. (Saint-Germain-la -Poterie.)

| Minerai de fer coquiller. (Saint-Paul.)

I Sable et grès blanc à fougères. (Sablonnière de St-Paul.)

I Argile. ( Venancourt, Ons en Bray.)?

! Sables et grès ferrugineux. (Lafresnoy.}

1 Argile à foulon. (Lafresnoy.)

' Argile à foulon. (Hanvoille.) ?

Argile jaunâtre. (A l’ouest d’Iïanvoille.)

Grès vert. (A l’ouest d’IIanvoilîe.)

Lumachelle grise à grosses paludines.

Marnes et argiles grises et bleuâtres, avec des lits de luma- chelles à petites huîtres ou anomies. ( A l’ouest d’Han- voille et Courcelles.)

Marnes et argiles grises, à petites huîtres ordinaires. (Hé- court. )

Argile marneuse noirâtre à huîtres. (Ilécourt.)

Lumachelle grise, à petites gryphées. (Ilécourt.) Lumachelle rougeâtre , à gryphées virgules. ( Plateau cul- minant de Senantes.)

Calcaire compacte argilifère blanc jaunâtre. (Sur le même plateau.)

Avant de sc séparer, la Société charge le Bureau d’être son orga- ne auprès de M. le préfet de l’Oise, pour le remercier d’avoir mis â la disposition de la Société une salle pour tenir ses séances.

séance nr 7 Novembre i 83 i .

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SÉANCES ORDINAIRES A PARIS.

» 9 m* _

Séance du 7 novembre 1831.

M. Gordier occupe le fauteuil.

Le procès-verbal des séances extraordinaires tenues à Beau- vais est lu et adopté.

Le président proclame membre de la Société:

M. J. -A. Delpon, député, présenté par MM. Meyranx et Boué.

Il est fait hommage à la Société des ouvrages suivans .

De la part de la Société d’histoire naturelle de Strasbourg, de la première livraison du premier volume de ses Mémoires , avec la promesse d’envoyer la seconde , maintenant sous presse.

20 De la part de la Société industrielle de Mulhouse, du nu- méro 20 de son Bulletin .

De la part de la Société d’agriculture , des sciences et des arts du département de l’Aube , des numéros 38 et §9 de ses Mémoires.

De la part de la Société géographique de Paris , des nu- méros 99 et 100, de son Bulletin.

De la part de M. Bailly de Merlieux , des numéros 7,8, 9 , et 10 de son Mémorial encyclopédique.

De la part de M. Brongniart, d’un Mémoire sur une excursion à Londonderry, Tyrone et Doivne en Irlande par M. Giesecke , (in-8° en anglais ).

70 De la part de M. Girardin , d’un rapport sur l'emploi de la gélatine des os dans le régime alimentaire des pauvres et des ouvriers i83i).

De la part de M. de la Bêche, de son Manuel géologique,

SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1 83 1 . $5

( Geological M annal), in-8°de 536 pages, avec des vignettes (Londres, 1 85 1 ) .

De part de M. Delpon , de sa Statistique du dépar- tement du Lot , in-4° de 534 pages (Paris , i85i.)

io° De la part de M. Moreau , du numéro 9 du premier vo- lume de son Journal des travaux de /’ académie et de l* in- dustrie agricole , manufacturière et commerciale.

Il est présenté par M. Boué; un Mémoire sur les eaux mi- nérales en général, et un tableau de 880 des sources miné- rales et salines les pl^is connues en Allemagne , en Suisse et dans les pays environnans, avec des tables contenant plus de a5o analyses (Abhandlungvon den Miner alquellen etc.), par le Dr C. Stucke ave une carte géologique des sources de l’ Allemagne en 4 feuilles, in-folio de 1 10 pages (Cologne i85i.)

L’auteur y distingue 17 espèces de sources 5 savoir: dans la classe des eaux thermales, les eaux sulfureuses à natron, à sel de glauber, à muriate de soude et à élémens chimiques indifférens ) dans celle des eaux froides minérales, les eaux sulfureuses ferrugineuses, à na- tron, à muriate de soude ou acidulées, à sel de glauber, à muriate de magnésie et à muriate de soude \ enfin il y joint les eaux salées proprement dites, les sources de naphte, les bains de mer, les eaux minérales artificielles et les bains de boue.

20 Des Observations sur les fossiles du calcaire intermédiaire de l’Eifel, ( Bemerkungen uber die V ersteinerungen etc.), par M. Steininger , in-4° de 44 pages , à Trêves. L’auteur promet d’y ajouter les figures des nouvelles espèces indiquées.

M. Rozet écrit de Châlons-sur-Saône qu’il a adressé à la Société deux caisses contenant toutes les roches et les fossiles récoltés dans le pays d’Alger.

M.Bertrand-Geslin offre à la Société des suites de roches du Poitou , de Fontenay et de la Rochelle , et annonce qu’il a con- fronté, avec MM.Fleuriau de Bellevue et Lajonkaire , les clas semens des calcaires de la Rochelle proposés d’un côté par M. Dufresnoy, et de l’autre par MM. Gressac etManès. Il se pro- nonce pour ce dernier, parce qu’entre la pointe des Minimes et celle de Duché il n’a pas pu trouver des argiles bleues comparables

SU SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1 85 1 .

h l’argile d Oxford , et eu un mot une ligne de séparation dans l’étage oolitique inférieur et l’étage moyen de M. Dufresnoy. L’oolite moyenne existerait donc seule à la Rochelle.

M. le docteur Daubeny, d’Oxford, annonce que la seconde réunion de la société générale des naturalistes et des savans d’Angleterre aura lieu l’an prochain, en juillet, h Oxford. A la réunion de York, en septembre, M. Buckîand a été élu prési- dent pour i852; MM. Brewster et Whewell , de Cambridge , vicc-présidens, et MM. Powel et Daubeny, secrétaires. Les tra- vaux de la réunion de York sont sous presse. Il écrit aussi qu’il a fini son examen des eaux thermales d’Aifgleterre par celle de Jorfeswell, près de Cardiff, dans le pays de Galles méridional ; cette source a une température de 74° F. Toutes les eaux ther- males d’Angleterre , lorsqu’elles dégagent du gaz , émettent de l’azote. Ces eaux et beaucoup de sources acidulés se trouvent au-dessus ou près delà grande faille du terrain calcaire du Der- byshire, telle qu’elle a été décrite par M. Farey : M. Philipps, a fait la meme remarque dans le Yorkshire.

On lit la lettre suivante de M. Morren, professeur à G and.

« Les collections que j’ai faites de 1825 à 18*28 ont été transportées en Hollande, on ne me les rendra qu’à la paix, La science est veuve de quatre naturalistes, qui nous ont été enlevés : M. Kickx, En- zelspach, Vanderlinden et Rouceî, Le premier était botaniste et géologue ; il a fait un Tentamen mineralogicum , un Mémoire sur la chaux sulfatée des environs de Bruxelles, un Mémoire sur les trapp. Yoici le peu de travaux que j’ai faits celte année, 1 0 j’ai rassemblé tons les écrits rares sur les Hunnebedden , blocs erratiques arrangés par les Celtes. J’ai une collection complette de leurs figures et quelques planches sont faites d’après nature et inédites. J’ai traduit dessus les meilleures données du grand ouvrage de Westendorp. Dans le grand travail que Haussmann a préparé, mon ancien maître, M.Yan Breda, y a coopéré pour les Hunnebedden de Groningue , sur lesquels les géologues se sont trompés. Dans cette coopération, M. Van Breda s’étend sur la géologie de tous les Pays-Bas. M. B’Omalius a fait croire dans ses nouveaux élé- înens, p. 168, que M. Yan Breda avait publié un mémoire sur les Flandres. Ce travail n’existe qu’en notes manuscrites hollandaises dans la commission de statistique même, 20 les ossemens de cette pro-

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vincc m’ont occupé davantage. J’ai décrit une précieuse mâchoire inférieure d’éléphant, telle que personne n’en a encore figuré. Elle se termine par une symphyse en long bec : la conclusion du Mémoire , est que dans l’espèce El. primogenius , il y avait deux variétés comparables au Morknoh et Deuhtelah des Indes. Si ce travail peut faire plaisir, je l’enverrai. J’ai fait des recherches sur les castors des tourbes'; il est certain que chez nous , ils ont habité toutes les petites rivières entre la partie de l’Escaut qui coule par Gand, et le Hond ou l’embouchure de FEscaut occi- dental , mais ce que je crois peu connu , c’est le gisement exact de ces os. Ils reposent sur le sable en dessous des tourbes, à deux mètres au dessous du sol. Ils ne sont pas dans la couche, quoiqu’ils en soient colorés. Le sable dont la partie supérieure les porte, est blanc, siliceux , à petits grains , semblable en tout au sable de nos grandes bruyères. Je conclus de que ces os ont passé par la tourbe qui les a teints, et qu’àinsi ils pourraient bien être plus récens que cette matière. Du reste j’observe sur ces os les différences queM. Cuvier a remarquées sur l’espèce fossile. Dans nos tourbes, on a découvert des ossemens humains. J’ai dessiné deux frontaux, qui sont excessivement petits et très-bombés. L’aurochs s’est trouvé dans la tourbeàNinove; à Ternath, sont les cochons des tourbes, dont M. Cuvier déplore quelque part de n’avoir pas de figures. Les loutres ont laissé leurs os avec ceux des cas- tors. 6° Ce qu’il y a de curieux , c’est le nombre des chiens des tourbes, du moins dans la Flandre occidentale ; sur 10 crânes, il y en a 9 de chiens, la plupart sont fort grands. 70 J’ai encore à noter parmi les ossemens du Brabant les rhinocéros trichorinus et le cheval, dont les restes confirment les remarques de l’illustre Cuvier. J’ai trouvé à Forest, près Bruxelles , un autre gite d’ossemens ( du calcaire grossier?? ) ; ce sont encore des masses de Batraciens, mais cette fois j’ai des os de salamandres et de petits mammifères. Ce qui caractérise le calcaire grossier de Gand , c’est le grand nom- bre de fruits fossiles. Les lieux 011 les trouve sont fortifiés au- jourd’hui : toute récolte est interdite. J’ai écrit à la régence et au conseil de l’Université de Gand pour que le plus beau palais acadé- mique du pays soit mis à sa disposition, en cas que la Société géolo- gique nous fasse l’insigne honneur de venir ici. Les autorités s’em- presseront de la recevoir avec tous les honneurs dignes d’elle , et aucun sacrifice ne leur coûtera pour répondre au choix dont elle voudrait les honorer. »

M. Zuber-Karth écrit une lettre trèsdlaltcusc pour la So

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ciété , en l’engageant h choisir Strasbourg comme lieu des réunions extraordinaires pour t83ü.

M. La Joye présente à la Société les coupes du sol tertiaire de Lisy-sur d’Ourcqet de St-Aulde , h deux lieues de la Ferté-sous- Jouarre.

a Dans le premier lieu il a observé, de bas en haut, les couches suivantes : du calcaire à cérithes ; une masse de sables et de grès qui est très-coquillère dans sou milieu, tandis que près de sa base il y a une couche coquillère à Lenticulines , avec des Cor- bules, des Mactres, des Yolutes , des Fuseaux, des Cérithes géants; la partie supérieure est, aussi, pleine de coquillages , en particulier deMélanies, de Cérithes, d’Auricules et d’Erycines ; du calcaire grossier à cérithes et à débris de Crabes (Pagure) , dont la portion inférieure est très -friable. Des marnes blanches à Lymnées.

La coupe de Saint-Aulde offre de bas en haut : une masse de calcaire grossier qui est inférieurement à grains verts, et dans la- quelle on voit plus haut se succéder du calcaire à dentales, du calcaire très coquiller avec de nombreuses Natices , des bancs à lits de silex corné à Cérithes agathisées; des marnes à Nucules et Cérithes; plusieurs lits alternant de marne blanche à ménilite avec et sans coquilles marines ; une masse de sables avec des blocs de grès , et présentant supérieurement un lit coquiller à Méla- nies , Cérithes et Cythérées; un mince banc de calcaire à co- quilles marines ; du sable à Lymnées ; 70 du calcaire à Lymnées et à Cyclostomes (C. mumia ), avec des masses nombreuses de quarz résiniteet de silex ménilite empâtant les mêmes coquilles ; des marnes vertes; 90 la terre végétale. »

M. La Joye fait hommage à la Société d’une suite d’échanr tillons à l’appui de sa notice.

Ce sont dix-huit échantillons de roches de St-Aulde , une dixaine de Lizy, ainsi que 55 espèces des fossiles de cette der- nière localité. Plusieurs de ces espèces sont en grande quantité ; on y remarque en particulier des individus qui indiquent soit le passage des Fuseaux aux Pyrules, soit les grandes variétés du Fusus bulbiformis. Parmi les roches on doit citer un grès de St- Aulde avec l’impression d’une feuille de dicotyledon , un beau morceau de silex avec des Cyclostoma mumia du même lieu , un échantillon du calcaire grossier à Crabes deLisy,un gros échantillon des grès de Lisy tout pétri de coquilles (Lenticulines, I)elphinules9

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Polypiers), renfermant des fragmens de calcaire grossier qui sont roulés et percés de coquilles perforantes. Le test de ces derniers y est encore visible.

M.Boué fait hommage à la Société des 4oo roches et des 600 fossiles suivans :

8 roches de Croatie , 16 échantillons de Transylvanie ; 68 échantillons de diverses parties de l’Allemagne; 118 échantillons de différentes localités de France , savoir : 4 de l’Estrelle; 3 du lignite de St-Alexandre , près du pont St-Esprit; 5 du calcaire tertiaire supérieur de St-Paul-Trois-Châteaux; 1 morceau de mo- lasse de Limoux; 3 échantillons de Banyul-des-Aspres ; 3 de Dax , un morceau de calcaire tertiaire du Mont-de-Marsan ; 1 calcaire de Terris ^ la marne à Arragonite et 3 échantillons de grès à bi- tume de Bastènes , 1 morceau de Lenzinite de St-Sévère ; 2 échan- tillons de craie verte de St- Jean de Marsac , du calcaire à orbito- lites deBaitz; 3o roches des Pyrénées, entre autres des morceaux de Lherzolite, du calcaire maclifère de Cierp, des roches à maries et actinote de Pousac , des grès de Loubeing , des calcaires de St-Girons , y compris la Gryphée du lias de cette localité ; 8 échantillons des filons de granité et des schistes schorlifères de Versailles, près de Nantes ; 2 morceaux de porphyre, Pun d’Anzet , sur la Loire, et l’autre de la Vendée* le macline de Bretagne, du lignite de Joigny; un morceau de craie verte de Saumur; 8 échantillons crayeux de La Flèche; 2 oolites delà Ferté-Bernard , des calcaires jurassiques d’Auxerre et de Susen- necourt, du granité de Semur; 2 échantillons du schiste marno- bitumineux à poissons et graines d’Autun ; 1 échantillon de Chessy et deux de Couches ; i3 échantillons du lias et du grès du lias de Vigy près de Metz ; 3 de Vie en Lorraine ; 1 de Langres ;

1 de Nancy ; 4 échantillons du lias coquiller de Château -Salins ; 3 calcaires jurassiques de Béfort; 1 de Besançon ; 1 des Faucilles et 1 du fort de l’Ecluse; 11 échantillons d’Entrevernes en Savoie; 5 échantillons des Voirons avec ammonites; 4 échantillons de grès et du calcaire de Bonneville; 3 échantillons du gypse du Mont- Cenis; 1 gneiss du Simplon ; 2 granités de Baveno ; 11 échan- tillons des roches secondaires récentes (grès de Taviglianaz, grès vert, etc. ) de Ralligen , sur le lac de Tliun en Suisse;

2 échantillons du calcaire oolitique du Stockhorn ; 2 roches de Soleure , savoir : le Muschelkalk , et la Corgneule ou rauch- waeke ; 2 calcaires de Dcnschburen, près d’Arau; 8 échantillons

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des molasses de Verny, près de Genève , i agglomérat tertiaire du Belpberg près de Berne, le phospliorite terreux du Marmarosh, le quarz liyalin cristallisé de Transylvanie ; 2 échantillons du cal- caire apennin de Stetera , daus les états romains ; une lave ain- phigénique de Borghetto ; 2 morceaux des marnes subapen- nines de Volterre ; 2 morceaux de soufre tertiaire de Cesena ; 3 échantillons de Gênes; 1 agglomérat coquiller alluvial de Ve- nise; le silex résinite thermogène du Geyser, en Islande , et 2 laves de l’Ile de Bourbon.

Les fossiles comprennent deux grès bigarrés coquillers de Soultz en Alsace , 1 1 fossiles du Muschelkalk, savoir le Mytilus soda lis , T Ammonites nodosus, l’Encrinites lilïiformis, le Trigo- nellites curvirostris , la Terebralala vulgaris» , le Myadtes mus - culoides , le Buccinites dubius , et 5 morceaux d’ossemens , la Gryphea arcuatade Metz, la Gryphea gigas ( Schloth. ) du lias d’Amberg en Bavière, 6 échantillons du grès impressionné du Lias du même lieu, le Ceritliium figuré dans Knorr vol. 2 part. 1 T., G. VI, fig. 7, 12 échantillons de l’oolite inférieure de Les Moutiers près de Caen, ( Pholadomie , Pleurotomaire, Turbo , Terebratules etc. ) 20 espèces silicifiées du calcaire jurassique d’Amberg ( Echinites paradoxus et orifidatus{ Schl.), Terebratula loricala , substriatdj vicinahs, vulgaris , bicanaliculata , nucleata , varia- bilis etc. ) un Turbo jurassique de Basle , une bivalve des oolites d’Oxford, 32 pétrifications de Solenhofeu , savoir : 6 poissons , 10 crustacés , 2 étoiles de mer, un os de sèche , une Comatule , 3 vermiculites, une impression ressemblant un peu à une con- ferve ? , 2 Ammonites dont l’une empâte le fossile appeilé Tel- linites ( Schl. ) 4 échantillons du Telliniles problematicus et 2 du T. Solenoides , 16 échantillons d’impressions de poissons dans le schiste marno-bitumineux jurassique de Seefeld en Tyrol , deux Astrées et deux échantillons à? Orthocères du calcaire ju- rassique des Alpes du Salzbourg , un petit Turbo de l’Eggenalp en Tyrol , la Gryphée et le Diceras de Salève, le Diceras d’Au- triche, T Ostrea deltoidea d’Oxford, la Gryphea virgula , 10 po- lypiers siliceux des marnes ferrifères du grès vert de Natheim , en Wurtemberg, l’ Ostrea biauricularis delà Flèche, la Gryphea columba soit des Carpathes , soit de Chatellerault , une petite Gryphea de la dernière localité , 6 fossiles du grès vert de la perte du Rhône, y compris les Orbitolites , 4 fossiles de la craie verte de Saint-Colombe , près Saint-Sevère , (Crabes, Terebra- tules , etc. ) 7 échantillons d’Echinidées crayeuses de Bedat ( Landes ), ( 2 ou 3 espèces ), une Térébratule de la craie de

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Dresde, 2 du Périgord, la Nummulite crayeuse de Donzat ( Landes, ) celle du Kressenberg , iB polypiers et 3a coquilles fossiles de Gosau en haute Autriche, non compris 3 Tornatelles gigantesques, 2 espèces de Grunbach, une petite Tornatelle, des Mélonies et des Hippurites du même horizon géologique de Gams en Styrie, 3 espèces du même dépôt de Scecsor en Transylvanie, 3 fossiles tertiaires de Wendlinghausen en Westphalie , 2 de Francfort-su r-le-Mein et un de Hildesheim, 34 espèces de fossiles de Paris , i5 espèces tertiaires du Hampshire en Angleterre, 23 espèces du calcaire tertiaire à INummulites de Castelgomberto dans le Yicentin , 5 espèces de Pionca, 6 échantillons de petits poissons d’Aix en Provence et 24 morceaux appartenant à de grandes espèces ainsi que les Paludines, le Cypris fava et le Pal- macite de cette localité, une coquille de Tourraine , 20 espèces de Bordeaux , y compris deux gros polypiers, 4 de Dax, 14 de Banyuls-des-Aspres en Roussillon ; deux huîtres du Lot et Garonne, (Aiguillon, Beaupuis, ) trois coquilles du calcaire d’eau douce de l’Agenois ainsi qu’un fragment d’os et deux bois sili- cifiés^ (Grateloup) dont l’un est de Palmier ( Montflanquin, )deux échantillons coquillers et 6 impressions végétales d’Oeningen, en Suisse , iômorceauxde lignites terreux à impressionsde feuilles ou à graines de Salzhausen eu Wetteravie, 5i espèces subapennines de la Toscane, une centaine d’espèces connues et une trentaine d’espèces nouvelles de Basse Autriche , savoir : 2 espèces des argiles à lignite dans les sables tertiaires de Pielach, 4 nouvelles espèces d’eau douce de l’argile subapennine de Vienne , 3o espèces connues et 17 espèces nouvelles du même gisement à Baden et un moule d’eau douce d’Oedenburg, 4 espèces des sables tertiaires supérieurs de Pfaffstetten, 6 à 7 espèces du meme dépôt à Helias , 9 espèces des mêmes sables à Pullendorf, 5 de Gaunersdorf , 4 ou 5 de Nexing, 18 espèces du calcaire tertiaire supérieur d’Enzersfeîd ; 20 espèces sur le même horizon géo- logique à Steinabrunn en Moravie; 2 Mélanopsides des sables de Bisentz dans le même pays , 4 espèces du calcaire à coraux de Prinzendorf, et 3 de celui de Wollersdorf en basse Autriche ; 5 fossiles des sables inférieurs à ce calcaire à Eisentadt en Hongrie- 60 ossemens du calcaire à coraux de Lauretto dans le même pays; savoir: deux dents, trois côtes, une douzaine d’os longs, des os méta- carpiens et sternaux, des vertèbres, etc., appartenant à des mam- mifères ( Rhinocéros , animal voisin du Mouton ? ) ou à des poissons et des amphibies (tortues), 6 espèces des sables tertiaires supérieurs de Tihany sur le lac Balaton , ( 2 espèces de Mêla-

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nopsidcs , des Moules d’eau douce , etc. ) un fossile numrnu- litiforme de Hongrie, 8 espèces d’eau douce des sables tertiaires supérieurs d’Arapatak eu Trausylvanie , 5 du calcaire d’eau douce de Colle en Toscane, 3 de la marne alluviale de Tolz eu Bavière, 2 dans une roche semblable à Baden , près de Vienne , et deux espèces de coquilles vivantes daus les eaux thermales de la même localité.

M. Desnoyers donne lecture d’une lettre de M. Prévost, en- voyé par l’Académie des sciences pour explorer l’île volca- nique récemment sortie du sein de la Méditerranée. Cette lettre est datée de Malte le 3 octobre i83i.

« Partis de Toulon le 16 septembre à une heure , nous ne par- vînmes que le 25 au matin à la hauteur de l’extrémité occidentale de la Sicile, après avoir côtoyé d’abord les îles d’Hyères, et tra- versé le canal qui sépare la Corse de la Sardaigne, dont j’ai vu les rives correspondantes avec un intérêt, qui me donne le plus vif désir de les examiner de plus près.

Dans la matinée du même jour , nous dépassâmes l’île Mareti- mo, et le soir, sur les cinq heures, la vigie placée dans les mâts signala une terre de laquelle s’élevait de la fumée ; étant montés sur les hunes, nous aperçûmes en effet distinctement l’île qui avait assez bien la forme de deux pitons réunis par une terre plus basse.

Nous étions à 18 milles, et nous voyions par moment des bouf- fées d^une vapeur blanche qui s’élevaient du côté du sud, prin- cipalement à une hauteur double de celle de l’île; à plusieurs re- prises et lorsque nous étions sous le vent, nous sentîmes une odeur sulfureuse plus analogue à celle du lignite pyriteux en combustion qu’à celle de l’hydrogène sulfuré.

Le 26 septembre, le vent étant contraire et la mer très-grosse , nous fûmes obligés de nous éloigner; dans la nuit du 26 au 27 , nous fûmes même assaillis par une tempête affreuse. Les yeux fixés sur le point devait se trouver le volcan, pour voir si quelque lueur s’en échappait, je n’aperçus aucun indice d’érup- tion lumineuse ; seulement l’odeur sulfureuse, qui arrivait par intervalle jusqu’au bâtiment, était suffocante.

Le 27 au matin, nous parvînmes à nous rapprocher, malgré une mer très houleuse; vers midi , nous étions à 8 milles environ, alors nous tournâmes l’île et pûmes en prendre un grand nombre de vues sous sesdifférens aspects. Elle paraissait comme une masse noire , solide, ayant tantôt la forme d’ün dôme surbaissé, dont la base était triple de sa hauteur, tantôt celle de deux collines

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inégales, séparées par un large vallon : ses bords s’élevaient à pic, à Texception du côté d’où la vapeur sortait avec plus d’abon- dance; celle-ci s’échappait visiblement de la surface de la mer, et même à une assez grande distance ( 3o à 4o pieds. )

Les arêtes vives des escarpemens , la couleur d’un brun bril- lant et parfois gras de ces faces abruptes , la forme générale de l’île rappelaient un massif de roches solides; et si, me laissant guider par l’analogie , j’avais m'en tenir à des conjectures , j’aurais cru avoir sous les yeux un cirque formé par du basalte , de la serpentine ou du porphyre, figurant un véritable cratère de soulèvement, dans le centre duquel l’eau de la mer serait ve- nue s’engouffrer 9 ainsi qu’on l’a avancé dans des relations précé- dentes; toutes ces apparences m’auraient conduit à une erreur , ainsi que les observations des jours suivans me l’ont démontré.

La nuit du 27 au 28 fut encore très-orageuse et la mer était très-forte. Le 28 au matin , nous pûmes cependant approcher jus- qu’à deux milles, et voir alors distinctement que la vapeur s’éle- vait, non seulement de la mer, mais encore d’une cavité séparée de celle-ci, par Un bord très-mince, du côté du sud.

Quoique nous voyions la mer briser avec une grande violence sur toute la circonférence de la falaise à pic, je demandai au ca- pitaine à faire une tentative ; un autre motif d’appréhension était la couleur d’un jaune verdâtre de l’eau qui entourait l’île , cou- leur qui contrastait avec celle d’un bleu indigo de la pleine mer, et qui semblait annoncer soit des écueils , soit des courans rapides , dans une eau modifiée par l’action volcanique souter- raine.

A midi la mer était un peu tombée , le capitaine voulut bien faire mettre un canot à notre disposition. En moins d’une heure , nous arrivâmes sur les brisans; nous reconnûmes alors que ceux- ci étaient produits par la lame qui venait frapper avec force contre une plage courte, et terminée brusquement par une pente rapide et non par des roches solides. L’eau vert-jaunâtre dans la- quelle nous étions et qui était couverte d’une énorme écume rousse, avait une saveur sensiblement acide, toutefois moins amère que celle de la grande mer. Sa température était aussi plus élevée , mais de quelques degrés seulement, de 21 à 23° O. Nous sondâ- mes à environ 3o brasses du rivage, et nous trouvâmes le fond à 4oou 5o brasses.

Nous nous e'tions dirigés vers le seul point , de la surface de l’île , on peut descendre par une pente douce vers la mer; c’est une espèce de golfe.

ô’oc. ge’ol. Tome II.

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54 SK ANC K 1)U 7 NOVEMBRE 1 85 1 .

Les vagues roulaient sur elles-mêmesen s’élevant de ta à i5 pieds lorsqu’elles frappaient le rivage, à 3o pieds sur notre gauche; ces vagues semblaient s’élancer en vapeur dans l’atmosphère ; à une pareille distance à droite, la mer semblait briser sur un banc qui se serait étendu à plus d’un mille au large. Les marins pen- sèrent, d’un commun accord, qu’il y aurait imprudence à tenter le débarquement dans ce moment.

Nous n’étions qu’à 4o brasses de l’île , je pus bien à cette dis- tance me convaincre qu’au moins, pour la partie que nous avions sous les yeux, l’île était formée de matières meubles et pulvé- rulentes (Cendres , Lapilli, Scories ) , qui étaient retombées, après avoir été projetées en l’air pendant les éruptions.

Je n’aperçus aucun indice de roches solides soulevées ; mais je reconnus bien distinctement l’existence d’un cratère ou enton- noir presque central, duquel s’élevaient d’épaisses colonnes de vapeur, et dont les parois étaient enduites d’efflorescences sali- nes blanches.

Deux marins gagnèrent l’île à la nage , et s’élevèrent jusqu’au bord du cratère, marchant sur des cendres et des scories brûlan- tes, et au milieu des vapeurs qui s’exhalaient du sol ; ils nous annoncèrentque le cratère était rempli d’une eau roussâtre et bouil- lante , formant un lac d’environ 8o pieds de diamètre. Parmi les morceaux rapportés, je trouvai un fragment de calcaire blanc, ayant tous les caractères de la dolomie.

Dans la nuit du 28 au 29, nous fumes portés par des courans vers les côtes de Sicile, et nous nous trouvâmes le matin à plus de 6 milles du volcan, sans pouvoir en approcher davantage. Le calme étant survenu , un canot fut de nouveau mis à la mer vers dix heures; j’avais fait mes préparatifs, fait disposer des bou- teilles, des flacons, des boites de fer-blanc , nous prîmes des thermomètres, et une machine faite à bord pour puiser i’eau à différentes profondeurs.

Les observations faites les 26 , 27 et 28 par le capitaine , M. La- pierre, l’ayant convaincu que le nouveau volcan n’est pas placé sur lepointoîi Smith indique dans sa carte marine lebanc deiVema; qu’au contraire, cet îlot volcanique est situé sur un fond qui avait 5 à 700 pieds d’eau , nous pensâmes ensemble qu’il y aurait de graves inconvéniens pour les marins à donner à la nouvelle île le nom de Nerita qui a déjà été proposé ; et, comme le phénomène a paru dans le mois de juillet, nous convînmes de désigner la nou- velle île sous le nom de Julia , nom sonore , dont la terminaison italienne et harmonieuse peut facilement être adoptée par les lia-

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SEANCE I)U 7 NOVEMBRE 1 83 1 .

bitans les plus rapprochés ; en conséquence nous préparâmes une planche de deux pieds de long , sur laquelle nous clouâmes une bande de drap bleu de six pouces de large et une autre de drap rouge de pareille largeur. Sur sa partie moyenne, peinte en blanc, j’écrivis en lettres de trois pouces de hauteur :

ILE JULIÂ.

Etat-major du brick La Flcclie ,

MM. C. Prévost , professeur de géologie a Paris ,

E. Joinville , peintre.

27, 28, ET 29 SEPTEMBRE 1831.

Nous mîmes deux heures à traverser ^espace qui séparait le brick du volcan.

À un mille de distance, nous commençâmes à traverser des cou- rans d’eau jaunâtre, dont je remplis quelques bouteilles et pris la température. Des courans de pareille couleur semblaient partir, comme des rayons, d’une zone semblable qui entourait l’ile. La sonde nous donna , 5o et 60 brasses dans les eaux , en appro- chant de l’île jusqu’à 200 pieds des bords. À un mille, on trouvait 100 brasses.

Abordés à une heure et demie , nous nous distribuâmes les rô- les. MM. Aragon et Barlet , directeurs de l’expédition maritime, se chargèrent de mesurer la circonférence de l’île , qu’ils trouvè- rent être d’environ 700 mètres sur 70 de hauteur ; le docteur Baud fit toutes les expériences thermomé triques. M. Defranlieu fit sonder dans le cratère et puiser de l’eau dans les diverses pro- fondeurs et sur les différens bords. M. Joinville prit des dessins , parmi lesquels se trouve une vue de l’intérieur du cratère. Enfin, M. Derussat fit hisser le pavillon tricolore sur le point le plus élevé de l’île et fixer l’écriteau que nous avions préparé; non pas pour prendre possession , par une vaine et ridicule cérémonie , d’un tas de cendres surgi au milieu des mers, mais pour constater notre présence , et pour apprendre à ceux qui viendront après nous que la France ne laisse pas échapper l’occasion de montrer l’intérêt qu’elle prend aux questions scientifiques dont la solution peut étendre le domaine des connaissances positives.

Je me mis en devoir de parcourir tous les points de notre ilôt pour rechercher surtout si , en quelqu’endroit des matières ap- partenant au fond de la mer, n’auraient pas été soulevées ou pro- jetées. Après avoir gravi la plus haute cîme au milieu des scories brûlantes, après avoir deux fois fait le tour entier des falaises ,

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je fus assuré que ce monticule dont la base était peut-être à 5 ou 6oo pieds dans la mer était entièrement composé, comme je Tarais présumé le 28 , de matières pulvérulentes , de fragmens de scories de toutes les dimensions , jusquà celle de 2 pieds cubes au plus; je trouvai quelques b’ocs dont le centre très-dur avait l’aspect et la consistance de la lave, mais ces masses globulaires avaient été projetées.

Enfin, l’ilot entier me parut être, comme tous les cratères d’é- ruption, un amas conique autour d’une cavité également co- nique , mais renversée. En effet , examinant les parois intérieures du cratère , 011 voit que celles-ci ont une pente d’environ 45° , et dans les coupes latérales produites parles éboulemens, on dis- tingue que la stratification est parallèle à cette ligne de pente , tandis que du côté extérieur les mêmes matériaux sont disposés dans un sens opposé.

Quant à la coupure à pic des falaises , il est facile de voir qu’elle est l’effet postérieur des éboulemens causés, soit par des secousses imprimées au sol, soit plus probablement par l’action des flots qui , entraînant les matières meubles accessibles à cette action, ont successivement miné les bords; ceux-ci se trouvant en surplomb sont tombés ; tous les jours ils se dégradent ; et c’est déjà aux dépens des éboulemens qu’il s’est formé autour de l’Ile, une plage, sorte de bourrelet de i5 à 20 pieds de largeur qui se termine brusquement en pente dans la mer.

D’après cette manière de voir, il est facile de reconnaître que les éboulemens continuant à avoir lieu par la cause qui les pro- duit tous les jours, l’île s’abaissera graduellement , jusqu’à ce qu’une grosse mer venant à enlever tout ce qui restera au-dessus de son niveau , il n’y aura plus à la place qu’un banc de sable volcanique , d’autant plus dangereux qu’il sera difficile d’en avoir connaissance à quelque distance.

Les bords actuels du cratère sont d’inégales hauteur et épais- seur. Du côté du nord , l’élévation est d’environ 200 pieds , tan- dis qu’elle n’est que de 3o ou 4o au sud.

L’eau contenue dans le cratère paraît être au niveau de la mer, elle est d’un jaune orange, couverte d’une écume épaisse ; les scories qui bordent le bassin sont enduites de fer hydroxidé.

Des vapeurs blanches s’élèvent continuellement, non-seulement de la surface de l’eau qui semble être en ébullition , mais de tout le sol , par de nombreuses fissures. C’est surtout du côté sud que ces vapeurs sont les plus abondantes, et comme je l’ai déjà dit, elles sortent de la plage , et de la mer elle-même , en dehors du

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cratère. Aussi nJest-ce pas sans peine que nous parvînmes à faire le tour complet de l’île , en passant à travers cette étuve de va- peurs brûlantes, et parfois suffocantes, car Fodeur sulfureuse n’était pas toujours sensible, lorsque nous étions au centre de la colonne de vapeur. Dans un espace, qui peut avoir 5o à 6o pieds de long , le sable noir de la plage est véritablement brûlant ; le thermomètre indiquait sur le sol baigné par la mer , à chaque flot, une température de 8i à 85°; l’eau qui restait dans les dépres- sions semblait bouillir ; mais en y plongeant la main je ne la trouvai pas assez chaude pour qu’elle pût s’évaporer ; enfonçant ma main à quelques pouces dans le sable brûlant de la surface, je le trouvai frais. Dans une de ces expériences, l’un de mes doigts s’étant trouvé sur le trajet d’une bulle de gaz ou de vapeur qui , visiblement était partie d’une grande profondeur , je fus vivement brûlé, et convaincu que l’ébullition était produite par des bulles qui venaient de l’intérieur de la terre ; chacune d’elles projetait même avec une légère détonation , du sable et des grains volcaniques re- présentant autant de petits cratères d’éruption. Parmi ces milliers de volcans en miniature , j’en fis remarquer un qui me servit à donner à mes compagnons de voyage une idée de la manière dont l’île Julia avait été formée. Il avait environ un pied de diamètre, c’est-à-dire que le sable et les scories lancés continuellement par lui , jusqu’à 2 pieds de haut , avaient formé autour de la bou- che d’éruption une sorte de taupinière d’un pied de base sur 5 à 6 pouces de hauteur, je fis ébouler les parois extérieures de ce cône, et j’en fis un cratère semblable à l’île Julia.

Je cherchai en vain à enflammer le gaz qui s’échappait ainsi du sol; il me parut sans odeur; mais à quelques pas, des vapeurs sul- fureuses sortaient des parois du grand cratère , et déposaient du soufre et du muriate de soude sur les parois environnantes. L’eau du bassin intérieur était à une température de g5 à 98°. J’avais promis une prime aux matelots qui me rapporteraient des cailloux blancs ou jaunes et des coquilles; j’ai rassemblé plusieurs des premiers , et j’en ai trouvé moi - même mêlés avec les pro- duits volcaniques. Ils sont altérés, et ils ont été projetés du fond avec les scories.

Tout me porte à croire que ce volcan a produit des coulées de laves sous-marines; et si, comme cela est présumable, l’appari- tion du cratère d’éruption a été précédée du soulèvement du sol qui paraît avoir été de 5 à 600 pieds au-dessous du niveau de la mer, il doit exister autour de l’île Julia , une ceinture de roches soulevées qui seraient le bord du cratère de soulèvement; peut-

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SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1 85 1 -

être cctie nouvelle disposition du fond est-elle la principale cause de la coloration particulière en vert jaunâtre des eaux de la mer, à une assez grande distance de l’île , et des courans qui se mani- festent autour, et n’existaient pas avant l’apparition du phéno- mène volcanique. »

M. Héricart- Ferrand lit un mémoire sur la question sui- vante : les grès marins de Levignan , de N anlheuil-le - H au- doin et de Bregy sont-ils de la deuxième ou do la troisième formation tertiaire ?

aLes sables et les grès marins supérieurs intermédiaires entre la formation d’eau douce supérieure, et les grandes masses de sables et du grès , (de Fontainebleau) s’étendent au delà au nord , et en deçà au midi de la ligne que décrit la coupe géognostique du dé- partement de V Oise, que j’ai présentée précédemment àla Société. M. Brongniart a présenté, comme on sait, ses doutes sur le classe- ment des grès marins supérieurs de Nantheuil-le-Haudoin dans le groupe protéique, et M. Graves les a augmentés par ses obser- vations sur les carrières d’Ognes , sur les grès marins de Nan- theuil-le-Haudoin et sur le terrain d’eau douce qui les surmonte. (Voyez : Précis de statistique sur le canton de Nantheuil-le-Hau- doin, Beauvais, 182g.)

Un classement définitif devient donc difficile; néanmoins s’il fallait opter entre les deux classemens proposés , plutôt que de reconnaître dans ces grès des dépendances du calcaire grossier, je préférerais les rapporter au terrain protéique, j’y tiens par les con- sidérations suivantes.

La descente de Levignan à Nanthouil-îe-Haudoin , est un angle saillant, ou une pointe à la réunion de deux vallées. Sa base est de sable. Les grès non coquillers, d’abord en place dans le haut, et ensuite rompus, déchaussés et affaissés par étages jusqu’au bas de la descente, me semblent expliquer l’irrégula- rité apparente des grès marins, et du terrain d’eau douce qui les recouvre. De plus il faut remarquer que les sables et les grès non coquillers de cette localité se continuent sans interruption avec ceux de la petite vallée delà Chapelle des Marais, qui remonte au nord vers Crépy; avec ceux de la vallée de Nantheuil-le- Haudoin , en descendant vers Broises. Sur le côté droit de cette vallée, au dessous du bois de Piémont, la partie inférieure de la masse de sable présente la zone des Discorbites , fossiles qu’on n’a reconnus que dans la partie inférieure de la grande masse de

SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1821. 5g

sable. Enfin c'est encore plus bas , en descendant la vallée, qu’on voit sortir de dessous le sable du côté de Versigny , le calcaire grossier marin.

Les carrières d’Ognes que j’ai été reconnaître d’après les indi- cations de M- Graves , loin d’ébranler mon opinion, la conso- lident^ et malgré le regret que j’éprouve de me déclarer en oppo- sition avec le géologue qui connaît le mieux le département de l’Oise, je persiste à voir dans ces carrières le terrain d’eau douce supérieur et le grès marin supérieur. Ma perséyérance , ou mon erreur si je me trompe , est fondée sur les faits suivans : c'est que ce n’est qu’en descendant le vallon dans lequel elles sont ou- vertes , jusqu’à son embouchure dans la vallée de la Therouanne, et celle-ci jusqu’à son ouverture dans la vallée de l’Ourcq, qu'on voit après un trajet de deux myriamètres environ, la grande masse de sable inférieure aux carrières d’Ognes, ne laisser paraître le calcaire grossier marin qu'à la proximité de la vallée de l’Ourcq.

Le Mémoires de i83o de M. Eugène Robert sur les grès marins de Nantheuil-le-Haudoin et de Bregy , les présente cemme l'é- quivalent du calcaire grossier marin ou faisant partie du grès co- quiller marin de la deuxième formation.

Cette opinion doit nécessairement augmenter les doutes de M.Brongniart sur ces roches, en même temps qu’elle ne peut éviter de lui en faire naître sur le grès marin de Levignan, maintenu dans le terrain protéique, mais rapporté par M. Robert, au grès de la deuxième formation. Ces doutes devront alors en suggérer sur le terrain d’eau douce, qui surmonte les grès marins de Nantheuil- le-Haudoin, de Levignan et delà butte de Montepilloy, sur laquelle M. Robert trouve , non le terrain d’eau douce supérieur , mais le terrain d’eau douce moyen , opinion que j’ai le regret, de ne pouvoir adopter.

Tout le vaste espace de terrain d’eau douce superficiel décrit parM. Robert et comprenant toute la plaine de Dammartin à Nantheuil-le-Haudoin, l’avait déjà été en partie dès 1829, par M. Graves, mais ce dernier ne s’était pas prononcé sur la formation à laquelle appartient ce terrain d’eau douce. M. Robert le rapporte à la formation moyenne de M. Brongniart , ou infé- rieure aux gypses. La localité de Saint-Ladre à un demi-my- riametre au nord de Dammartin M. Robert a trouvé des em- preintes de fossiles qu’il annonce avoir pris pour des dliliolites , et le calcaire d’eau douce dans sa véritable place, paraîtrait devoir

40 SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1 85 1 .

être le complément irrécusable des motifs qui l’y déterminent ; je ne connais point cette localité.

La description donnée par M. Graves , et la comparaison qu’on peut faire du terrain d’un grand nombre de localités de cette meme plaine , avec les caractères connus des divers dépôts d’eau douce du bassin parisien , me semblent ne pouvoir manquer de tenir long-temps en suspens avant d’adopter l’opinion deM. Robert; ainsi donc en admettant l’existence dn terrain d’eau douce moyen à Saint-Ladre au nord de Dammartin , ne serait-on pas fondé au contraire à reconnaitre le terrain d’eau douce supérieur dans tout l’espace qui comprend Bregy P Je suis effrayé de la con- séquence que je devrais inévitablement tirer de l’opinion inverse; c’est que la grande masse de sable et de grès que cette formation d’eau douce superficielle laisse paraître au jour, à l’est, au nord, à l’ouest, et qui a été constatée dans la plaine de Silly par la per- foration de puits, n’appartiendrait plus à la grande formation des sables et des grès ( de Fontainebleau ). Un tel changement qui s’étendrait sur les sables elles grès de Mortefontaine, d’Ermenon- ville, et d’autres localités voisines mènerait bien plus loin qu’on ne le pense.

M. Robert, en parlant des grès marins de Bregy, fait observer qu’ils reposent sur une grande masse de sable qui n’a jamais été percée. C’est la même masse de sable que celle sur laquelle re- posent les carrières d’Ognes ; cette grande masse de sable est encore pour moi, celle de la grande formation des sables et des grès (de Fontainebleau ). Le jugement final du travail de M. Ro- bert , serait appliqué à un cercle encore trop restreint, si la vérité est pour lui , et l’erreur pour moi. Le même jugement me sem- ble devoir englober tous les sables et les grès de Gondreville, de la forêt de Villers-Cotterets, de Maquelines, de Betz, de Thury, de Retz, deBouillancy, deDacy, ceux du bord de la vallée de l’Ourcq et enfin au delà de cette vallée, ceux de Neuilly Saint-Front , d’Oulchy , d’Arcy Sainte-Restitude, de Fère en Tardenois, de Coincy , etc. Ce serait une moitié de la grande formation des sa- bles et du grès, ( de Fontainebleau ) telle qu’elle est établie par M. Brongniart.

Dans la discussion qui s’engage après la lecture de ce mé- moire , M. Cordier appuie sur la coupe de la descente de Mallicrs, qui est classique pour le sol parisien, puisqu’on y voit de bas en haut de la craie et des sables , le calcaire grossier à grains verts, le calcaire grossier ordinaire, du calcaire d’ean

SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1 83 1 . 41

douce pétri de paludines , le grès de Beauchamp exploité dans le bois Carreau, un petit lit de calcaire à coquilles brisées, du cal- caire d’eau douce à paludines, puis vers les hauteurs les marnes et le gypse, et vers d’Aumont les sables et les grès supérieurs. Le dépôt de grès inférieur est donc placé dans le milieu du sys- tème d’eau douce inférieur, et non pas dans le calcaire grossier.

M. La Joye fait observer que la coupe de St-Àul de confirme cette dernière opinion et il parle d’un calcaire siliceux à moules de coquilles marines , qui forme à Provins un petit lambeau de 4o à 5o pieds sur la craie.

M. Deshayes exprime le désir que la conchyliologie fos- sile de ces grès soit étudiée avec soin.

Séance du 22 novembre 1831.

M. Cordier occupe le fauteuil.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la précé- dente séance, le président proclame membre de la Société :

M. Paul Savi , professeur d’histoire naturelle h l’Université de Pise, présenté par MM. Cordier et Brongniart.

On passe à la correspondance.

M. Savi offre ses services à la Société pour ce qui regarde la géologie de la Toscane.

M. de la Bêche annonce l’envoi de deux fougères arbores- centes de la Jamaïque.

M. Cramaille , sur le point de partir pour Mexico , propose è la Société de servir d’intermédiaire pour établir des rapports géologiques avec cette partie de l’Amérique.

La Société décide qu’on remerciera M. Cramaille , et qu’on lui donnera des prospectus, des instructions pour collecter des roches, et trois exemplaires du premier volume du Bulletin.

La Société reçoit les ouvrages suivans :

De la part de M. Héricart de Tliury neuf mémoires dont il est l’auteur;

a. Rapport fait à la Société (V encouragement pour l'indus- trie nationale , sur le procédé proposé par M. Rrard pour rc~

t SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1 85 1 .

connaître immédiatement les pierres qui ne peuvent point résister à la gelée , et que l’on désigne ordinairement sous les noms de Pierres gelives ou Pierres gelisses. In - 4°* Paris ,

1824»

b. Discours d'installation de la Société d' horticulture de Paris, In- 8°. Paris, 1827.

c. Programme d’un concours pour le percement de puits forés suivant la méthode artésienne , suivi de considérations géologiques et physiques sur le gisement des eaux et recherches sur les puits forés en France. * In- 8°, avec deux planches. Paris, 1828.

d. Extrait du rapport ou procès-verbal du voyage des com- missaires de la commission administrative de la succession Delamarre pour la prise de possession du domaine d’ Har- court , au nom de la Société voyelle d’agriculture. I11- 8°. Paris, 1828.

e. Notice historique sur la plantation de la montagne de S aint-Martin-le- Pauvre, entre Thury et Foulard ( Oise j. In-8°. Paris, 1829.

F. Notice sur les recherches entreprises cl Luzarchcs et sur le degré de possibilité d’y trouver une mine de houille. In-8°, avec deux planches. Paris.

g. Rapport sur le concours ouvert pour le percement des puits forés. ïn-8°, avec deux planches. Paris, i83o.

iï. Extrait du rapport fait à la Société d’ encouragement pour l’industrie nationale, dans sa séance générale du 29 dé- cembre 1 83o , sur le concours ouvert pour l’établissement des puits forés. In-4°. Paris, i85o.

1. Du dessèchement des terres cultivables sujettes à être inondées. In- 8°. Paris, 1 83 1 .

20 De la part de M. Graves cinq Mémoires qu’il a insérés dans les Annuaires de l’Oise de 1827 à 1 85 1 , et contenant une description géologique générale de cinq cantons de ce dépar- tement :

A. Précis historique sur le canton de Chaumont. In- 8°. Beauvais, 1827.

b. Précis statistique sur le canton de Creil, arrondissement de Senlis. ln-8°, avec une carte. Beauvais, 1828.

SÉANCE DU 2 2 NOVEMBRE 1 83 1 . 43

c . Précis statistique sur lecanton deN anthcuil-le-H audouin , arrondissement de Sentis , In-8°, avec une carte. Beauvais ,

d. Précis statistique sur le canton de Nivitlers , arrondisse- ment de Beauvais. In- 8°, avec une carte. Beauvais , i83o.

e. Précis statistique sur le canton d* Auneuil, arrondisse- ment de Beauvais. In-8°, avec une carte. Beauvais, 1 85 1 »

De la part de M. Bailly de Merlieux, le numéro n(i83i), de son Mémorial encyclopédique.

De la part de la Société de géographie de Paris, le nu- méro loi de son Bulletin.

De la part de la Société linnéenne de Bordeaux , les six livraisons du tome IV de ses Actes (in-8°, avec planches, i83o à 1 83 1), contenant en particulier deux Mémoires de M. Jouan- net sur la géologie du sol tertiaire de la Gironde; un Mémoire de M. Bilîaudel sur les cailloux roulés et les alluvions de ce département, et une Dissertation sur les Ichtyosarcolites , par M. Rouland.

De la part de M. Deshayes,

a. Les douze premières livraisons de sa Description des co- quilles fossiles des environs de Paris. In-4°, avec quarante-huit planches.

b. Sa Description de coquilles caractéristiques des terrains. In-8°, avec quatorze planches. Paris, 1 83 1 .

De la part de M. Brongniarl, son Tableau théorique de la succession et de la disposition la plus générale en Europe des terrains et roches qui composent la croûte du globe , ou description graphique du tableau des terrains. Une grande feuille. Paris, i83i.

De la port de M. de Buch, par l’entremise de M. de Hum- holdt , sa Carte physique de l’île de Tènériffe. Une grande feuille. Paris. Levrault, 1 83 1 .

Il est présenté :

Par M. Gordier, le premier numéro du nouveau journal mensuel américain de géologie et d’histoire naturelle [Monthly amer ic an J ou mal of geology and natural science) , par M. C. W. Fcathcrslonaugh. Juillet, 1 85 1, Philadelphie, et Paris, chez À» Bertrand.

44 siiANClî DU 2 J ISOVJtBIBRE 1 85 i .

On y remarque un Mémoire sur un nouvel animal fossile , le Rhinoceroïdes alleghaniensis $ un Mémoire sur l’écoulement ancien des eaux dans le nord de l’Amérique et sur l’origine de la cataracte du Niagara j un Rapport sur les ossemeus fossiles accumulés sous le sol à Big Bone Lick , dans le Kentucky* une Notice du docteur Harlan sur une nouvelle espèce de Megalonyx et de Fucoïde j et une autre sur les cavernes à ossemens de la Nouvelle-Hollande.

Par le secrétaire :

a. Les livraisons 3 et 4 de ,1a Description des pétrifica- tions du Wurtemberg , par M. de Zieten ( in-folio, Stuttgart, 1 83 1 ) , contenant la suite des Ammonites et les Bélemnites de ce pays.

b. Une brochure intitulée les Puits artésiens a Vienne et dans ses environs ( Die artesisclien Brunnen in undum Wien), par M. le baron de Jacquin, avec des observations géologiques sur le bassin Viennois, par M. P. Partsch. In-8° de 4$ pages , avec une planche. Vienne, i83i.

c. Les fragmens de géologie et de climatologie asiatique , par M. deHumboldt ( 2 vol. in-8°. Paris , i83i ) , contenant son Mémoire sur les chaînes et les volcans de l’Asie centrale , et celui de M. Klaproth sur les points volcaniques du Japon et de la Chine.

On trouve en tête de cet ouvrage que le voyage de l’Oural , en Sibérie, et à la mer Caspienne, de M. de Humboldt, contiendra un Tableau géognostique et physique du nord-ouest de V Asie , par ce savant , et une partie minéralogique et géognostique , résultats d’analyses chimiques , et itinéraire, par M. Gustave Rose.

Par M. Pitois, libraire :

a. T Itinéraire du département du Puy-de-Dôme contenant C indication des principales formations géologiques , du gise- ment des espèces minérales des volcans anciens et modernes et de tous les lieux remarquables , par MM. Lecoq et B ouille t. Paris. In-8° de 178 pages, avec une carte géologique.

b. V ues et coupes des principales formations géologiques du département du Puy-de-Dôme , accompagnées de la des- cription et des échantillons des roches qui les composent , par MM. Lecoq et Bouilîet. Paris. In-8° de 266 pages, avec un atlas in-4° de 3 1 planches coloriées.

SÉANCE 22 NOVEMBRE l83l. 45

Le secrétaire en fonction donne lecture d’un article du -Na- tional, du 1 1 novembre, extrait du Courrier du Monde et de la politique , de Cologne.

En juillet, on a foré un puits artésien àRiemke, près deBochum, en Westphalie , et on a trouvé , à i/fî pieds , une eau limpide et abondante. Pour arrêter l’écoulement , on mit sur l’ouverture des planches j mais le lendemain on fut bien surpris de trouver dans cette eau des petits poissons de 3 à 4 pouces de longueur. Près de ce village, il n’y a pas de rivière, et les cours d’eau les plus voisins sont la Ruhr à 4 lieues et l’Emster à i lieues.

M. La Joye fait hommage à la Société de 4o échantillons de diverses roches, parmi lesquelles on remarque de beaux échantil- lons d’Eclogite du Fichtelgebirge, de calcaire grenatifère du pic du midi aux Pyrénées, de Trachytes, une Ostrea vesicularis, etc.

La Société donne son approbation aux décisions suivantes du conseil, prises le 3i octobre.

Dans les collections, les fossiles seront collés sur des cartons, classés géologiquement et placés à la suite des terrains qui les renferment. On ne formera une collection méthodique que lorsque les échantillons seront assez nombreux.

Les étrangers ne pourront voir les collections qu’avec un membre de la Société.

Le trésorier est chargé d’adresser un dernier avis aux mem- bres qui n’ont pas encore payé leurs cotisations , en mention- nant qu’on cessera de leur envoyer le Bulletin , et en leur rap- pelant l’article 6 du premier chapitre du réglement.

Le nombre des feuilles du Bulletin sera augmenté , et quel- ques planches de coupes lithographiées y seront ajoutées.

Un membre du conseil est chargé de s’aboucher avec le li- braire M*** pour la publication des mémoires de la Société , publication pour laquelle il paraît favorablement disposé.

M. Desnoyers est chargé de présenter dans la première séance de janvier le résumé des travaux de la Société pour l’année ex- pirée, et M. Boué d’exposer les progrès de la géologie et scs ap- plications pendant cette époque.

MM. Brongniart, Deshayes et Boué sont nommés pour la - daction d’une instruction relative à l’envoi de roches et de fos * siles.

46 SÉANCE OU 2 2 NOVEMBRE i 85 1 .

M. Michelin propose de compléter l’ ouvrage sur les fossiles de Paris , dont M. Deshayes a regretté de ne pouvoir donner que douze livraisons.

M. Walferdin propose de décider que le local de la Société sera ouvert tous les lundis qui ne sont pas consacrés aux séances ordi- naires, pendant la soirée, pour qu’on puisse lire et consulter les ouvrages que possède la Société.

Ces deux propositions sont renvoyées au conseil.

On lit une Notice gèognostique sur les environs d’Oran, par M. Rozet.

« Ayant été envoyé à Oran pour lever le plan des environs de cette ville et pousser quelques reconnaissances dans l’intérieur du pays , j’ai profité de la circonstance pour en étudier la constitution géognostique.

Les formations de cette contrée présentent des faits très-curieux et dont la connaissance parfaite exige une étude approfondie des roches et des espèces fossiles que j’ai réunies j c’est pourquoi je ne donne maintenant qu’une notice succincte , me réservant, à mon retour en France, de publier un Mémoire fort étendu, accompagné de coupes et d’une carte topographique.

Oran est situé sur le bord de la mer, dans le fond d’une baie. Au sud et à l’est, se développe une vaste plaine, coupée par quel- ques petits coteaux qui s’étendent jusqu’au pied de l’Atlas, dont la chaîne, éloignée de sixou sept lieues, court E. N. E. à O. S. O. A l’ouest , la ville est dominée par de hautes montagnes , le mont Mezetta , la montagne de Santa -Crux , qui s’élèvent le premier à 458 mètres et l’autre à 4oo mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée.

Les ramifications de ces montagnes s’étendent fort loin vers l’ouest et le sud-ouest. Au nord-ouest d’Oran se trouve la baie de Mars-el-Reber , la seule les bâtimens puissent mouiller. Cette baie est entourée par les monts Rammra qui atteignent 478 mètres d’élévation absolue. Après le fort de Mars-el-Keber , situé à l’ex- trémité nord de la baie , vient une côte fort escarpée , à laquelle succède la place de las AguadUs , qui s’étend jusqu’au cap Falcon, à quatre lieues N. O. d’Oran. C’est à ce point que mes observations se sont arrêtées du côté de l’ ouest; au sud et à l’est je n’ai pu m’a- vancer seulement qu’à six mille mètres de la ville , parce que je n’avais que soixante hommes d’escorte , et que les Arabes , épou- vantés par nos opérations, s’étaient réunis au nombre de 2 ou 3oo, et nous faisaient une guerre continuelle.

SEANCE l)TJ ‘22 NOVEMBRE 1 85 1 . ^

Des falaises fort escarpées qui s’élèvent souvent à 8o et ioo mè- tres au-dessus de la mer , des vallées profondes et quelques car- rières rendent très-facile l’étude de la constitution géognostique du pays. Voici les principaux résultats auxquels cette étude m’a con- duit:

Le terrain de transition composé de phvllade passant au schiste ardoisé et rarement au schiste talqueux , renfermant de nombreuses couches de quarzite et coupé par des veines de quarz, forme, comme près d’Alger, la base sur laquelle reposent toutes les autres roches. Les couches de schiste et celles des quarzites sont généralement verticales; quand elles sont moins inclinées, on les voit plonger vers le nord sous un angle qui n’est jamais moindre de 3o°.

Cette formation paraît dépourvue de métaux et de restes orga- niques. C’est elle qui constitue la masse des montagnes depuis Oran jusqu’au cap Falcon, mais elle disparaît de temps en temps sous le terrain tertiaire.

Les formations secondaires manquent tout-à-fait à Oran. Dans les vallées et les escarpemens des montagnes, on voit le ter- rain tertiaire reposer immédiatement et transgressivement sur les schistes. Ce terrain a beaucoup de rapports avec celui d’Aix en Provence ; il est composé de couches de marne et de calcaire alter- nant ensemble , les marnes sont jaunâtres et souvent schisteuses ; Au milieu de ces couches se distinguent deux bancs ayant un mètre de puissance, d’une argile schisteuse très -blanche. Les masses de cette argile ?e fendent comme de l’ardoise^ et sur les plaques on trouve des poissons fossiles parfaitement conservés ; ils sont extrê- mement nombreux, surtout à la grande carrière, près le fort Saint- André. En brisant une masse d’argile d’un pied cube, il est rare de n’en pas trouver trois ou quatre. Ces poissons , que je crois d’eau douce, appartiennent à trois espèces au plus. Dans les bancs qui les renferment, il n’y a point d’autres restes organiques ; mais au mi- lieu des marnes et des calcaires, il existe des Peignes , quelques Echinites , et beaucoup de grandes Huîtres associées avec des Gry- phées, reconnues par MM. de Férussac et Deshayes pour Y Ostrea navicularis (espèce vivante) de divers âges. A la carrière St-André et dans le ravin au pied du village Raslaïne , les Huîtres mélangées avec les Gryphées forment des bancs assez étendus , ce qui prouve que ces animaux vivaient ensemble dans l’ancienne mer.

Cet assemblage de marnes et de couches calcaires repose , en quelques endroits, sur une masse de marne bleue, que je crois être la marne bleue subatlantique. Malheureusement je n’y ai point

4& SÉANCE DU 2 2 NOVEMBRE 1 85 1 -

trouvé de fossiles. La partie supérieure de cette formation est oc- cupée par une brêclie calcaire mal stratifiée, dans laquelle les fos- siles sont fort rares.

En sortant par la porte de l’ouest au pied du Mezetta , on ren- contre des escarpemens d’une brèche ferrugineuse qui recouvre le terrain tertiaire , et dans la composition de laquelle il entre beau- coup de fragmens de trapp.

Ce terrain tertiaire occupe toute la plaine qui s’étend au sud et à l’est d’Oran* on le trouve sur les monts Mezetta et Rammra à 470 mètres au-dessus de la mer. Dans la plaine les couches sont assez parfaitement horizontales , mais sur les montagnes elles sont souvent inclinées $ je les ai vues plonger au sud-est sous un angle de io° à 20°. Ce terrain forme aussi le sol de la plaine contigüe à la plage de Las Aguadas entre le fort Mars-El-Keber et le cap Falcon. Il est en couches horizontales reposant sur la tranche des schistes. Entre les deux formations ou plutôt à la partie in- férieure de la première se trouvent des amas immenses de coquilles (Peignes, Bucardes, Huitres, etc.) identiques avec celles qui vivent encore maintenant dans la mer, mais parmi ces coquilles je n’ai pas vu une seule Gryphée. Elles habitaient sur le schiste lors du dépôt du terrain tertiaire.

Le fort Santa Crux s’élève sur une crête étroite formée par une roche noire compacte avec quelques points brillans, à laquelle je donne provisoirement le nom de trapp. Cette roche est très- lourde ; elle se laisse difficilement entamer par l’acier, mais elle ne fait pas feu au briquet. Dans l’acide hydrochlorique elle donne une effervescence assez vive, et se dissout un peu elle est accompagnée de parties scoriacées , et contient quelques veines d’une substance blanche, mamelonnée, et des traces de fer oligiste micacé.

Ce trapp passe à une roche jaunâtre qui le surmonte sur toutes les pointes ces masses existent ensemble. Cette roche est très- sonore, plus dure et moins lourde que le trapp elle fait aussi ef- fervescence dans les acides. Lorsque le fer oligiste micacé est très- abondant, il forme de nombreuses veines qui coupent la masse dans toutes les directions.

Les deux roches dont je parle n’offrent aucun indice de stratifi- cation ni de division prismatique. Elles sont massives, et présentent tous les caractères des formations volcaniques j elles se trouvent répandues sur les schistes dont elles remplissent les cavités de la surface et ceux-ci au point de contact ont presque toujours éprouvé une altération très-sensible ; enfin ces roches sont accom- pagnées de tufs semblables à cenx des basaltes.

SÉANCE DU ï 19, NOVEMBRE 1 85 1 . 4g

Ce terrain pyroïde est développé sur une longueur de quatre lieues depuis O ran jusqu’au cap Falcon. Sur le Mezetta, il pa- raît recouvrir le calcaire tertiaire. A Mars-el-Keber , il occupe le sommet d’une montagne qui s’élève à 3go métrés au-dessus de la mer. Il descend ensuite le long des plaines et vient former la pointe sur laquelle le fort est bâti. C’est lui , et particulièrement la roche jaune qui constitue le cap Falcon , et les rochers qui l’en- vironnent. Il y recouvre encore le schiste , il ne contient plus de fer oligiste, mais une immense quantité de fer carbonaté subla- mellaire.

Ce minéral s’y présente en grosses masses intimement liées à la roche avec laquelle il paraît avoir été vomi. Le mamelon qui s’é- lève au-dessus de la pointe Est du cap est une masse de fer carbo- naté ayant 200 mètres de long et 20 à 25 de hautj cette masse a pour base le trapp jaune avec lequel elle se trouve intimement liée. On observe même dans son intérieur des alternances des deux ro- ches. La pointe du cap est formée par le phonoîite renfermant beaucoup de fer carbonaté.

On voit les roches pyroïdes recouvrir le calcaire tertiaire, et les couches supérieures de celui-ci sont souvent recouvertes de fer carbonaté qui s’y est incrusté, ce qui me porte à croire que le trapp et les roches qui l’accompagnent sont d’une formation plus récente que l’époque tertiaire. Le terrain trappéen n’existe pas au sud et â l’est d’Oran, dans le rayon que j’ai parcouru autour de cette ville.

Enfin le long des côtes et particulièrement dans la baie de Mars-el-Keber, on trouve par-dessus toutes les roches des agglo- mérats de coquilles, les mêmes qui vivent encore dans la mer actuelle , et qui sont changées en spath calcaire et réunies par un ciment ferrugineux qui a beaucoup de ressemblance avec celui de la brèche à fragmens de trapp.

Il résulte de tout ce que je viens d’exposer que les formations géognostiques qui se montrent au jour dans la portion de pays que j’ai explorée sont par ordre d’ancienneté : les schistes de transition, ? le terrain tertiaire qui les recouvre, à stratification transgressive, un terrain pyroïde très-singulier, enfin des brèches ferrugineuses à fragmens de trapp et des agglomérats de coquilles qui existent seulement lejong des côtes.

La présence des Gryphées au milieu du terrain tertiaire est un fait si ce n’est nouveau , du moins intéressant, puisqu’on a cru jadis que cette famille de mollusque n’existait que dans le terrain

Soc. gc'ol. Tome II. 4

5o SEANCE DU 2 2 NOVEMBRE 1 83 1 .

secondaire , et c’était meme un des principaux caractères de cette époque géogoostique. Pendant que j’observais à Oran , M. Noël , ingénieur des constructions hydrauliques , recueillait à Alger, dans les carrières près du jardin de Mustapha-Pacha , les fossiles du ter- rain supérieur à l’argile bleue subatlantique ; et lorsqu’à mon re- tour il me montra ces fossiles , j’eus le plaisir d’y reconnaître plusieurs Gryphées identiques avec celles que j’apportais d’Oran. A la partie supérieure du calcaire grossier exploité dans une marne sableuse et un calcaire tendre , il y a un banc fort étendu de Gry- phées. Ceci me confirme pleinement dans l’opinion que lajforma- tion calcaire marneuse d’Oran constitue le second étage du terrain subatlantique. »

Après la lecture de ce Mémoire , M. Deshayes rappelle que les Gryphées se trouvant encore vivantes , rien ne s’oppose à ce qu’on en rencontre dans les dépôts tertiaires. Outre la Gry- phée des collines subapennines et d’Alger, il cite dans le terrain tertiaire la Gryphœa cymbiolci de Valmondois, décrite par lui dans le dictionnaire classique, et la Gryphœa Defrancü ; enfin, il pense que le genre Gryphée est à réunir aux Huîtres.

M. Boué donne les éclaircissemens suivans sur la Gryphée colombe qui a été citée dans le sol tertiaire de Castelgomberto. Ce fossile, associé avec le Plagiostoma spinosa et une grande Huître, se trouve au milieu d’une argile grise bleuâtre, formant le pied d’une des côtes du Val-di-Lonte. A une distance peu considérable , on voit à un niveau plus élevé des rochers de calcaire tertiaire à Nummulites alternant avec destufas basal- tiques. La présence de ces fossiles dans le sol tertiaire ne sera donc prouvée par cette localité que quand on les retrouvera dans la même position dans quelque autre point du Vicentin ou du Véronais. De plus , le grès vert de ces contrées offrant des argiles semblables et les dérangemens plutoniques y étant fré- quens,il faudra encore bien s’assurer que ces argiles coquillères ne dépendent nullement du grès vert.

M. Cordier remarque que le système volcanique d’Oran paraît avoir des rapports avec celui qu’il a observé sur la côte opposée de l’Espagne, entre le cap de Gates et Cartha- «îène , et qui est probablement couvert aussi de calcaire d’eau douce.

SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1 83 1 . 5l

On lit une Notice sur les Alpes Bernoises , de M. le profes- seur Studer, de Berne.

«Depuis six ans, dit M. Studer, je me suis occupé de la géologie des Alpes entre la dent de Mordes et la Jungfrau , et maintenant je vais mettre au net mes observations pour les publier. Les fossiles re- cueillis suffiront, j’espère, pour caractériser les divers dépôts et pour déterminer l’âge des oolites ferrugineuses de Lauterbrunn et des cal- caires deBex , de Boltigen et de Stockhorn. C’est M.Voltz qui est chargé de contrôler mes déterminations dans sa belle collection. Les plus anciennes couches calcaires paraissent toujours appartenir au lias ou du moins au calcaire jurassique le plus ancien; les plus récentes, aux assises inférieures de la craie, mais il y a de plus des dépôts ju- rassiques moyens , du moins dans cette partie de la Suisse, qui n’est qu’un prolongement de la chaine de Savoie.

A l’est du lac de Thoun , au contraire, la craie commence à pré- dominer tellement que tous les dépôts secondaires plus anciens paraissent élagués jusque dans la vallée du Rhin , et même peut- être encore plus à l’est. La grande confusion de la géologie alpine me paraît provenir de ce qu’on a été habitué à regarder la chaîne sédimentaire entière depuis Vienne jusqu’au Rhône comme une série continue de dépôts semblables, et de ce qu’on a cru pouvoir appliquer les résultats tirés d’une coupe à l’explication d’autres profils. Tous ces faits tendent, au contraire , à prouver que cette uniformité des rapports géologiques n’existe pas dans la nature.

Dans les Alpes calcaires on voit des formations isolées apparaître, se renfler prodigieusement, prendre la place d’un dépôt voisin et se perdre aussi à leur tour, comme cela a aussi lieu dans les pays de plaine. On approcherait plutôt de la vérité en supposant pour terme de comparaison qu’une chaîne de la hauteur de nos Alpes pri- maires a surgi tout-à-coup entre Paris et Berlin , et a subitement exercé une grande pression sur tous les divers dépôts sédimen- taircs qui couvraient jadis la fente dont une pareille chaine serait sortie. Il faut se contenter de suivre pas à pas les différentes for- mations, et, au lieu de sauter d’un profil à un autre, de tracer les chaînes qui ont été rompues dans l’un j usque dans l’autre, afin de se convaincre si elles existent bien dans les diverses coupes ou pour trouver Fendroit de leur disparition. Tel est le plan que j’ai suivi dans nos Alpes, et le résultat a répondu à mes espérances. J’ai pu tracer sur une carte les limites des dépôts que je crois nécessaire de distinguer, et six profils à travers la chaine du Valais jusqu’à la molasse montrent les rapports de gisement et la forme extérieure

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SÉANCE 32 NOVEMBRE 1 83 1 .

des montagnes. Je désire publier ce travail en soignant la partie topographique de la carte pour laquelle j’aurais à faire d’assez nombreuses corrections aux cartes anciennes.

Cet été. j’ai été pour vérifier les observations si curieuses que M. Hugi a faites dans la vallée du Roththal, sur la côte occidentale de la Jungfrau, et dans l’Urbachthal, entre la Scheidegg et le pas- sage de la Grimsel.

Le chemin qui conduit au Roththal est très-rapide , mais nulle- ment si dangereux que le dépeint M. Hugi, et il est bien à désirer que cette ascension pénible n’empêche aucun géologue étranger de visiter ce vallon. La description de M. Hugi est en général parfaitement exacte. Il abien observé les superpositions ; néanmoins je suis loin de pouvoir adopter ses conclusions et ses idées théoriques.

Après être monté du fond de la vallée, pendant environ deux heures, par dessus des couches verticales de gneis, on atteint enfin la limite supérieure de ce massif et les couches les plus inférieures du calcaire , qui forment la croûte septentrionale de la Jungfrau et qui offrent une forte inclinaison au sud et contre les montagnes de gneis placées dans cette direction. Immédiatement sur le gneis, il y a une dolomie compacte de 3o pieds de puissance, qui est recou- verte de quarzite associé avec du schiste argileux bigarré. A cette masse, qui a quinze pieds d’épaisseur, succède, en montant, du fer oolitique ou de la chamoisite noire, verte, enfin vient le calcaire généralement schisteux noir ou gris , qui s’élève jusqu’au sommet de la montagne et qui forme la masse principale de nos alpes secon- daires. Le minerai de fer contient de grands nids de fer oxidé rouge, massif ou en gros grains. Le calcaire grenu noir et les divers bancs ferrifères sont riches en fossiles, surtouten bélemnites et ammonites. Ces dernières paraissent appartenir à l’ Ammonites communis de Sow., et M.Voltz y a reconnu les A . decipiens Sow., annularisZ ie- ten, et plicatilis Zieten. Je n’y ai nullement trouvé les fossiles du Muschelkalk , comme le prétend M. Hugi. Les assises les plus infé- rieures ne paraissent répondre qu’au lias ou calcaire jurassique ancien.

Après être monté pendant une demi-heure par dessus les ro- cfters calcaires et des débris, on arrive enfin à l’entrée du^vallon ap- pelé Roththal, et on y voit, non sans surprise, distinctement le cal- caire recouvert de gneis sur une étendue qu’on met une demi-heure à parcourir et qui se prolonge plus loin dans des lieux il est trop dangereux d’aller. Le contact des deux dépôts est complètement à nu, mais l’on n’y observe aucune trace d’un effet quelconque exercé par une des roches sur l’autre, et le calcaire immédiatement

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SÉANCE DU 2 2 NOVEMBRE 1 83 1 .

sous le gneis est le même schiste calcaire gris qui recouvre plus bas les bancs bélemnitifères. Vers les sommités , on voit encore une fois du calcaire, sous la forme d’une masse ellipsoïde colossale, qui est en- foncé comme un coin dans le gneis, et enveloppé par cette rochc.La puissance de chacun de ces massifs calcaires peut avoir près de 5oo pieds , et la masse de gneis qui les sépare a environ la même épaisseur ( i ).

On ne peut rester long-temps incertain sur la manière dont on doit envisager ces alternatives ) car en considérant la montagne en- tière de la Jungfrau, on remarque que le calcaire forme tout son côté septentrional jusqu’à sa cime, tandis que sa portion méri- dionale est toute composée de gneis qui s’élève des points les plus bas jusqu’aux plus hautes crêtes. Il n’y a, de plus, aucune dif- férence appréciable entre le gneis qui couvre le calcaire dans le Roththal et celui qui resort au-dessous de cette vallée ou qui constitue en général la chaîne primaire. La dénomination de demi- granite ( Halbgranit ) proposée par M. Hugi est tout-à-fait inutile , puisqu’elle tendrait à séparer des roches identiques.

En jetant les yeux sur le profil naturel de la montagne, il de- vient clair que l’introduction du calcaire dans le gneis , sous la forme d’un coin et vice versa , n’est qu’une suite du soulèvement qui n’a pu s’opérer sans faire éprouver aux couches secondaires des fendillemens, des brisures et desplissemens. La théorie de M.Hugi est donc aussi inadmissible.

On peut observer encore plus aisément les mêmes faits dans le Mettenberg près Grindelwald , ainsi qu’au Laufcstock et au Plat- tenstock , sur les bords de la route qui conduit au même hameau.

On doit vraiment s’étonner avec M. Hugi , qu’aucun savant ne les ait pas vus , puisqu’il ne s’agit pas de voyages pénibles , mais seulement de savoir distinguer les rochers calcaires d’avec ceux composés de gneis , dans un des lieux les plus visités en Suisse.

En considérant en face les trois montagnes mentionnées, elles paraissent n’offrir qu’une masse calcaire de plusieurs milliers de pieds de puissance et à sommet tronqué. Cette roche semble s’éle- ver jusqu’à la cîme'et repose indistinctement sur le gneis ; mais en voyant les mêmes montagnes en profil , on remarque qu’il s’élève encore du sommet vers les montagnes placées derrière une hauteur à pente douce qui a tout l’extérieur des rochers de gneis, et qui en est composée en réalité , comme on peut s’en assurer en place. En

(i) Voyez planche I, üg. 3.

SÉANCE DU 2 2 NOVEMBRE 1 85 1 .

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poursuivant le calcaire dans les ^vallons latéraux et dans la direc- tion des montagnes plus au sud , 011 voit sa puissance diminuer petit à petit et sa terminaison en coin dans le gneis. Dans cet en- droit , le gneis supérieur ne se distingue pas particulièrement de celui qui est inférieur au calcaire : ce sont donc encore des masses calcaires enveloppées et non alternantes. Je serais même disposé à penser qu’elles ne sont qu’une réunion de lits elliptiques et concen- triques comme dans le coin calcaire supérieur du Roththal ; la sortie des roches feldspatliiques aura produit cette inflexion , néanmoins mes observations ne me permettent pas encore d’assurer que c’est en réalité dans la partie supérieure de la vallée d’Urbach se termine le calcaire duLaubstock, je n’ai trouvé, aulieu delà dolo- mie grenue de M. Hugi , que du calcaire lamelleux.

Le point le plus important pour observer les rapports géologi- ques précédens, est sans contredit le col entre la vallée d’Urbach et le glacier appelé Rosen Lauigletscher ; caron y voit, non-seule- inent le gneis et le calcaire pénétrer mutuellement l’un dans l’autre sous la forme de coins très-variés mais de plus , tous les rapports des deux roches sont comme un tableau complètement à nu depuis le fond de la vallée jusqu’aux plus hautes cimes. U y à déjà quarante ans que mon père a dessiné le profil de ces alternati- ves répétées de calcaire et de gneis. Il est singulier que M. Hugi ait mal représenté les faits dans ces lieux j car ni sa description ni ses profils 11e coïncident avec la réalité , qui confirme cependant si bien ses observations dans ce Roththal (1).

Le gneis du Tossenhorn s’insinue dans le calcaire à plusieurs re- prises , et l’on peut observer parfaitement la ligne de contact de ses coins avec le calcaire sur la muraille presque verticale deGstelli- horn. Entre le gneis, le calcaire se présente surtout comme une dolomie compacte grise avec un enduit terreux jaune de paille. Dans quelques lits , il est saccharoïde , translucide et de teintes blanches, bleues verdâtres ou rougeâtres. Le gneis est partout le même et peu différent de celui du Roththal , ou du fond de la vallée, ou bien de Branson près deMartigny. C’est un mélange de mica tal queux, de feldspath blanc ou brunâtre et de très-peu de quarz , qui oscille toujours entre le granité et le gneis, quoiqu’en grand il paraisse appartenir plutôt à la dernière roche. Je n’ai rien pu observer des nids et des filons de granit que M. Hugi décrit dans ces lieux. Je suis obligé de dire que dans plusieurs points il indique du granit , j’ai trouvé du gneis. Le Mont-Kanzel , près

(1) Voyez plant lie I, fi". 2.

SÉANCE DU 2 2 NOVEMBRE l85l. ^55

du col ou de la vallée d’Urbach , n’est pas granitique comme le dit M. Hugi, mais composé de calcaire à belemnites.

Il V a vingt ans , lorsque les roches feldspathiques étaient encore appelées strictement primitives , les observations précédentes au- raient fait sensation ; mais maintenant on n’y a vu qu’une répéti- tion des faits de Predazzo et de Yalle Rabbiose. Néanmoins quelle différence! les montagnes du Tyrol méridional sont des collines en comparaison des Alpes Bernoises, et ce qu’on y peut voir en quel- ques heures , exige ici des courses de plusieurs jours. Quoique les faits n’aient plus l’attrait de la nouveauté , ils sont décisifs pour la théorie de l’origine des Alpes. Les apparences de Predazzo sortent pour ainsi dire de la ligne de celles qu’on peut appeler ordinaires, parce qu’elles se lient aux éruptions du porphyre pvroxénique , et il reste toujours quelqu’incertitude pour savoir si le granit de Canzacoli n’est positivement qu’une forme particulière de la roche pyroxénique; ce ne sont donc pas ces faits qui sont applicables aux Alpes Bernoises. Nous savons à présent qu’il existe entre le dépôt calcaire des Alpes et le gneis-granit delà chaîne centrale , une ligne de contact telle qu’elle n’est explicable par aucune théorie de dé- pôts formés paisiblement dans le sein, des mers. Les particularités de ces accidens peuvent seules se rattacher aux grands soulèvemens indiqués par Predazzo , et par tous les rapports de contact observés jusqu’ici entre les roches feldspathiques et sédimentaires. »

On lit ensuite utie lettre de M, Yoltz , adressée de Stras- bourg.

«La seconde livraison des Mémoires de notre Société d’histoire naturelle renfermera entr’ autres objets géologiques fort intéressans un travail deM. Studer sur les calcaires des Alpes et sur leurs fos- siles. Il m’a communiqué tous les fossiles qu’il a recueillis dans les Alpes et j’y ai trouvé un bon nombre de pétrifications qui caracté- risent notre troisième étage jurassique (l’argile de Kimmeridge) et les couches de Portland à Besançon , Montbéliard, Porentruy , Cha- rier, etc.

Dans ce cas sont 1 Isocardia excentrica N. Sp. et iriflata N. Sp. Ammonites inœcjuistriatus N. Sp. et un Proto encore indéterminé. D’autres fossiles se trouvent dans le calcaire jurassique du Wur- temberg tels sont l’ Ammonites decipiens Sow , annularis Ziet en, pli- catilis Z., colubratus Z., Belemnites hastatus , sulcatus (Theodori), biplex Sow., planulatus , comprimatus Z., Cidarites subangularis Goldf. D’autres pétrifications existent dans divers étages jurassiques, dans le lias du Jura, de la Normandie et de l’Angleterre. Tels sont l’A. Davoeii , œquistriatus Z., Parkinsoni Sow. , falcif erSow . y

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S&A.NCE DU 2 2 NOVEMBRE 1 85 ï ,

Tellinites problematicus Schl. , Tet'ebratula inconstans Sow. et ornithocepliala Sow. Il y a de plus beaucoup d’espèces nouvelles qui seront figurées dans notre prochaine livraison,

La société désire savoir s’il existe des Belemnites intermédiaires dans le Muschelkalk; nous possédons un marbre noir de Cascastel aux Pyrénées avec des Orthocères , et un fossile qui est analogue aux Belemnites et que je désignerai sous le nom de B. Dubius . L’al- véole et la gaine sont bien prononcées , la première est très-aigüe, beaucoup pins que dans les autres Belemnites ; c’est peut-être l’ex- trémité ou plutôt le commencement de la partie originaire d’une or- thocère, ou un passage des Orthocères aux Belemnites. M.d’Althaus possède une alvéole de Belemnite qu’il a extraite lui-même du Mus- chelkalk de Marbach, mais il n’a pas vu de gaine. M. Thurmann a dressé des profils instructifs pour le redressement des couches des terrains près de Montbéliard les superpositions sont plus claires que dans la Haute-Saône. »

On lit le Mémoire suivant de M. Jules Teissier , docteur- médecin à Anduze (Gard).

« Depuis que j’ai donné connaissance à la Société de la découverte d’une caverne à ossemens aux environs d’ Anduze, je l’ai examinée de nouveau avec M. Marcel de Serres.

Nous sommes partis de Nismes le 22 octobre , accompagnés de M. Dumas de Sommières, qui s’occupe à dresser la carte géologique de notre département. On sait que Nismes est bâti au pied de col- lines qui dépendent de la formation de la craie , et qu’au midi de cette ville on ne trouve, jusques à la Méditerranée , que le dilu- vium dans les plaines, des amas de cailloux roulés semblables à ceux de la craie d’Arles, formant du côté de Saint-Gilles des monticules étendus, et quelques traces de calcaire tertiaire grossier ou moëllon de M. Marcel de Serres.

Si l’on sort de la ville du côté du nord , on trouve sur la route d’Alais des collines de craie compacte 9 "qu’on pourrait facilement confondre minéralogiquement avec le calcaire du Jura et dans ces collines se trouve la carrière de Barutel , d’où les B.omains ont ex- trait les blocs principaux qui ont servi à la construction des Arènes et de la Tour-Magne.

La route d’ Anduze est au nord-ouest de la ville et traverse les mêmes formations que celle d’Alais. A l’ouest encore de cette route d’ Anduze, près de celle de Montpellier, avant d’être au village de Saint-Césaire, une formation d’eau douce dont nous parlerons tout à l’heure, s’avance sur le sommet de certaines collines, par une je-

SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1 85 1 . 5?

tée étroite , jusques au Bied-d’ Autel , monticule à demi-lieue au nord-ouest de Nismes.

En suivant la route de Nismes à Ànduze , on se trouve pendant trois lieues à peu près , c’est-à-dire de Nismes jusqu’à Fons , sur la formation de craie compacte qui rend le sol aride , pierreux , et n’offre rien de remarquable , si ce n’est quelques marnes bleues dans les Vallongues et un banc d’oolite miliaire tout auprès.

Après les baraques de Fons, la formation de craie est recouverte par une formation d’eau douce qui, courant du couchant au levant, couvre une bonne partie de notre département, et qui est traversée ici par la route du nord au midi, dans le sens de sa largeur. Cette partie de la route tracée sur le calcaire d’eau douce s’appelle la montée de Fons et a près d’une lieue de longueur.

Aux approches de Montagnac , la formation d’eau douce dispa- raît et l’on se retrouve sur la craie. C’est à une demi-lieue à l’ouest de ce village que se trouve la belle carrière de Lynx ; on y extrait une craie compacte d’un beau blanc , quelquefois sub-oolitique à grains fins , dont les Romains se sont servi pour la construction de la Maison-Carrée à Nismes.

De Montagnac à Lésan , on est toujours sur la craie argileuse et les marnes bleues de la craie , qui par leur décomposition forment un terrain de la plus mauvaise qualité : aussi tout est-il de la plus grande aridité aussi loin que la vue peut s’étendre.

A Lésan , s’observent quelques poudingues qui nous semblent devoir être rattachés à la formation d’eau douce, et de jusqu’à la Madeleine, près d’ Anduze, on ne trouve qu’un excellent terrain d’alluvion dans la plaine et des poudingues sur les hauteurs.

A la Madeleine, deux collines de calcaire du Jura forment un barrage que la rivière semble avoir coupé ; et quand on a franchi ce détroit, les collines qui bordent le vallon d’ Anduze sont des do- lomies appartenant au lias, jusqu’auprès de la ville.

La ville d’Anduze est bâtie au pied de deux montagnes du cal- caire du Jura, nommées Pierremole et Saint-Julien. Ce calcaire ju- rassique est supérieur à la formation du lias. Au nord d’Anduze , dans le vallon des Gypières, on observe encore ce calcaire jurassi- que , le lias et un banc exploité assez puissant de gypse compacte secondaire, ou l’on n’a pourtant pas observé de fossiles.

La route d’Anduze à Mialet se dirige au nord d’Anduze; elle traverse la coupure faite par le Gardon dans le calcaire du Jura , entre les montagnes de Pierremole et de Saint-Julien , et on re- trouve la formation du lias au village de Cornadel.

De ce hameau jusqu’au-delà de celui de Montsauve ,

on trouve

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les diverses roches du lias , le calcaire bleu , les schistes noirs , le calcaire siliceux , la dolomie compacte j et après avoir parcouru toutes ces roches , on quitte le terrain secondaire pour entrer dans celui de transition l’on observe successivement des grès rouges inférieurs au lias, des arkoses, des marnes irrisées, des sables et des cailloux roulés, des traces de schistes micacés, et enfin le granit.

Cette roche primitive , qu’on trouve vis-à-vis la tour de Mont- fescaut et qui dépend de la chaîne de Palières, dont elle est séparée par une profonde coupure passe la rivière , se décompose en blocs arrondis. On y observe en filons de la wake, de la baryte sul- fatée, du quarz en roche, du fer sulfuré.

Entre les métairies du Rocan et du Pradinas , le granit cesse et on rentre sur la formation du lias , sans trouver les roches inter- médiaires observées sur le revers opposé de la montagne granitique.

Près du Pradinas , il existe dans le lias un banc assez étendu qui abonde en fossiles. De jusqu’à Miolet et jusqu’à la grotte qui se trouve un peu plus loin vers le nord , toutes les montagnes qui bordent la vallée du Gardon appartiennent à la formation du lias ; seulement la plupart, et les plus élevées en général, sont recouvertes par plusieurs couches horizontales de calcaire jurassique.

C’est dans la dolomie dépendante du lias que s’ouvre la grotte du Fort, et non dans le calcaire du Jura qui lui est supérieur, comme je l’ai dit d’après des rapports inexacts dans ma première notice.

Cette grotte est ouverte sur une coupe abrupte et d’un abord dangereux de dolomie compacte , à trente mètres environ au-des- sus du niveau de la rivière. La hauteur du portail qui en forme l’entrée est d’environ huit mètres et sa largeur de quatre.

A l’intérieur de la grotte, le sol monte rapidement et se rap proche de la voûte, de telle sorte qu’on ne peut bientôt plus se te- nir debout. La grotte se partage en plusieurs boyaux. Le sol n’en est point établi sur le rocher, mais dans les premières parties de la grotte sur un sable dolomitique, détritus évident de la roche dans laquelle elle est percée.

Dans quelques endroits, ce sable est recouvert de couches stalag- mitiques d’un à trois centimètres d’épaisseur, qui s’arrachent faci- lement en tables étendues de plusieurs pieds en carré. Ces stalag- mites sont d’un gris foncé comme la roche j leur cassure est à peu près de même couleur , seulement on y voit quelques facettes et aiguilles cristallines, de sorte qu’il semble qu’un liquide incrustant, tombé du plancher goutte à goutte , a saisi et solidifié une couche de un à trois centimètres d’épaisseur du sable sur lequel elle est tombée. Ces stalagmites et ce sable ne s’observent guère que dans

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les premières parties de la grotte; dans les parties plus éloignées, un limon gras les remplace , et son épaisseur , qu’on a trouvée de près d’un mètre en certains endroits , paraît beaucoup plus consi- dérable dans d’autres, l’on n’a pas creusé jusqu’au rocher,

A cinquante mètres à peu près de l’entrée de la grotte , au haut de la montée dont nous avons parlé , sous les stalagmites déjà dé- crites et sous une couche de sable limoneux de deux à quatre déci- mètres , se trouvent des ossemens humains en grande abondance. Nous n’en avons pas trouvé d’autres en cet endroit. Ils sont peu pénétrés de sucs pierreux , légers , assez fragiles ; nous avons trouvé mélangés avec eux des débris de poterie grossière, noire tant au dehors que dans la pâte , dont les surfaces en certains endroits avaient quelquefois pris par l’action du feu une teinte rougeâtre.

Cette pâte est formée d’une terre grossièrement pétrie et non tamisée , renfermant de petits rhomboïdes primitifs de chaux car- bonatée. Il y avait des débris de grands et de petits vases; les pre- miers, épais de un à deux centimètres, donnaient à supposer dans leur intégrité par la courbure des fragmens , un diamètre de trois à quatre décimètres. Les plus petits n’avaient guère que deux à trois lignes d’épaisseur ; ils étaient extérieurement décorés de filets en creux , ou d’impressions symétriques , comme on en pourrait faire avec la pointe d’un couteau.

Après nous être arrêtés quelque temps à l’entrée du premier boyau pour faire ces premières fouilles, nous suivîmes une descente assez rapide, en rampant sur le sable, dans de longs couloirs, presque comblés de sables dolomitiques , de gros et de petits frag- mens de dolomie et de limon gras; et bientôt nous vîmes des débris nombreux d’ossemens d’ours. Je laisse à d’autres le soin de déci- der s’ils appartiennent à VUrsus spelœüs , Artoideus , Pistons , ou à toute autre espèce.

Dans quelques endroits de la grotte, aux ossemens d’ours se trouvent mêlés quelques débris rares et peu reconnaissables de ru- minans, de rongeurs et d’oiseaux. Dans certains couloirs profonds, étroits et l’on n’arrive, même en rampant, qu’avec la plus grande peine, on trouve des ossemens indéterminables incrustés au plafond et tenant si solidement au rocher qu’on ne peut les avoir sans les briser en éclats.

Jusques ici, nos observations n’ont rien d’extraordinaire, elles diffèrent peu de ce que j’avais déjà rapporté. J’ajouterai que les ours ont pu certainement vivre dans notre caverne à ossemens, qu ils ont pu y vivre tranquillement, et que les débris de plusieurs générations ont pu s’y accumuler. Il est possible aussi que ces ours

Go

SEANCE DU 2 2 NOVEMBRE 1 85 1 .

saisis par une inondation aient péri violemment dans cette caverne, ou, qu’effrayés par les eaux qui s’amoncelaient, ils s’y soient réunis en plus grand nombre que de coutume. Mais il est encore possible que noyés ailleurs, leurs osseméns aient été amenés dans la caverne par les eaux. Toutes ces choses peuvent se soutenir. D’un autre côté, la présence des ossemens incrustés au plafond de la caverne prouve qu’elle a été remplie de limon à ossemens par une action violente qui doit être celle des eaux. Car sans cette action violente et dans l’ordre ordinaire des choses, les ossemens des ours qu’on supposerait avoir habité la caverne se trouveraient tous sur le plan- cher, par couches horizontales, et aucun ne pourrait être incrusté à la voûte.

Au reste , l’action des eaux n’est pas difficile à concevoir dans cette localité le lit du Gardon parait s’être considérablement abaissé par la coupure d’un barrage de rochers qui existait peu au dessous. Ce qui viendrait à l’appui de cette explication, c’est qu’on observe dans la grotte en plusieurs endroits des lits d’un sable différent de celui qui provient du détritus de la roche dolomi tique, et parfaitement identique avec celui que roule actuellement le Gardon , c’est-à-dire , composé de grains de quarz et de débris de gneis et de schistes mica cés.

Nous allons maintenant aborder la" question la plus importante.

Dans les boyaux les plus profonds , dans les plus étroits , à plus d’un mètre de profondeur , dans le limon gras de la caverne, on a trouvé, mélangés ensemble, des ossemens d’hommes, d’enfans et des ossemens d’ours.

Il est vrai qu’à peu de profondeur dans le limon, au-dessus des ossemens d’ours on avait déjà trouvé un squelette humain et une figurine romaine, et que plus loin encore, vers le fond de la grotte on a sorti d’un seul coup de pioche six bracelets en cuivre fin , fondu, assez grossièrement sculptés au burin et que je crois pourtant romains. Mais il est vrai aussi , qu’on a trouvé des ossemens humains dans la profondeur du limon , pèle-mèle avec ceux des ours; qu’il y avait des têtes entières, des épines dorsales, dont tous les os étaient en connexion , des ossemens d’enfans , des débris de poterie , des dents de chien et de renard percées proba- blement pour être suspendues en amulette autour du cou : une valve d ’unio margaritifera qui sans doute avait servi au même usage, et enfin plusieurs os pointus affilés de main d’homme.

Ces derniers os sont des radius et des cubitus de chiens , de re-^ nards ou d’autres espèces de pareille grosseur. Ils sont trop gros- sièrement travaillés pour qu’on suppose qu’ils ont servi de styles

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à écrire; ils sont trop petits et trop faibles pour avoir servi d’ar~ mes; ils doivent avoir été taillés pour servir à porter à la bouche les alimens, et surtout à piquer la viande.

La grotte du Fort a toujours élé connue dans le pays, mais on ne soupçonnait pas qu’elle contînt des ossemens. MM. Duché, pasteur évangélique à Mialet, et Julien , instituteur primaire qui a quelque temps étudié la médecine, s’en aperçurent les premiers.

Entre le i5 août et le 23 septembre , jour de mon excursion, la grotte a été visitée par beaucoup d’amateurs qui ont emporté un grand nombre d’ossemens ; et de plus elle a été dévastée par les paysans qui ont tout bouleversé dans l’espoir d’y trouver de l’ar- gent, espoir excité par la découverte des bracelets. Maintenant il n’y a plus rien à y voir. Mais parmi les objets curieux qu’on en a extraits, je dois citer uiïe belle tête d’ours presque entière qui a plus d’un demi - mètre de longueur et qui est en la possession de M. Duché. Deux têtes pareilles, des humérus, des fémurs, des ra- dius, des cubitus, des sacrum et autres os entiers possédés parM. Ju- lien qui a de[plus la figurine et les bracelets romains. Il possède aussi les dents percées en amulette, les styles ou fourchettes en os, la coquille , des débris de poterie , plusieurs têtes humaines et un grand nombre d’ossemens d’hommes ou d’ours.

De ces faits fidèlement rapportés il me semble qu’on peut en dé- duire les conclusions suivantes :

 une époque reculée, des ours nombreux et d’espèces au- jourd’hui perdues vivaient dans le pays. Ces ours ont pu habiter dans cette grotte ou dans le voisinage. S’ils ont vécu dans la grotte, leurs ossemens s’y sont naturellement accumulés. S’ils ont vécu dans le voisinage, il se pourrait que leurs ossemens eussent été apportés dans la grotte par les eaux. Mais dans l’un et Fautre cas, ces ossemens mêlés à un limon gras, supposés une fois dans la grotte, ont été en- traînés par les eaux dans des couloirs les ours n’ont pas pu vivre et qui ont été remplis jusqu’à la voûte. Plus tard ces couloirs ont été vidés en partie par un effet contraire des eaux, et certains ossemens sont restés empâtés à la voûte en témoignage de ces ré- volutions.

Certaines petites espèces de ruminans,de rongeurs et d’oiseaux, tous en petit nombre, paraissent avoir partagé le sort des ours.

Des ossemens d’hommes en grand nombre , et quelques-uns d’enfans se trouvent aussi dans cette caverne. Les bracelets et la

figurine donnent à penser que ce sont des restes de romains. Les

poteries grossières, les dents en amulette , les os pointus pour aider à manger , les dents des têtes usées par la mastication, môme chez

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SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1 83 1 .

de jeunes sujets , portent à penser cju’une partie de ces dépouilles appartient à des peuples moins civilisés. N’est-il pas possible qu’on trouve ici mêlés les romains vainqueurs , et les indigènes vaincus de l’époque de la conquête de la Gaule?

Mais les hommes ont-ils vécu dans cette caverne? Non cer- tainement en rciême temps que les ours. Non certaiment les ro- mains en même temps que les sauvages. Et ni les uns, ni les autres dans la plupart des endroits oii on les trouve actuellement et l’on ne peut passer qu’en rampant.

Ces hommes ont-ils été ensevelis dans le lieu on les trouve? C’est possible pour certains endroits de la caverne. Ce n’est nul- lement probable pour d’autres. Ils peuvent avoir été ensevelis à l’entrée et dans des endroits assez spacieux l’on en trouve un grand nombre qui paraissent isolés. Ils ne peuvent l’avoir été au fond, dans des couloirs impraticables ils sont mêlés aux ossemens d’ours. Ils ont été portés par uue cause violente , par la même cause qui a charrié les ossemens d’ours , par les eaux qui les ont mêlés en- semble et pétris avec le limon.

Mais ces ossemens entassés par la même cause , au moins dans certaines parties de la grotte, sont-ils tous contemporains? En d’autres termes , les hommes et ces ours d’espèces actuellement perdues ont-ils vécu à la même époque ? Question compliquée qu’on ne doit peut être pas résoudre d’une manière positive , mais qu’on peut cependant éclairer de quelques réflexions.

Eu effet, une violente inondation a bien pu prendre au dehors des ossemens d’hommes et d’ours , les mêler , les pétrir de terre et les amonceler au fond de cette grotte : mais de grandes difficultés combattent cette supposition. L’eaü aurait-elle trouvé au voisinage de la grotte assez d’ossemens d’hommes , d’ours et de ces espèces seulement? Aurait-elle transporté la figurine fragile entière et les bracelets de métal qui sa sont trouvés réunis et non épars ? Il y a dans cette supposition des circonstances qui paraissent aussi impos- sibles à réaliser que celles de l’habitation simultanée de cette grotte par des ours , des sauvages et des romains.

Si l’on renonce à la contemporanéité d’existence, soit dans la grotte , soit au voisinage de la grotte , les choses deviennent plus faciles à comprendre et à expliquer. Je conçois que d’abord les ours ont habité la grotte , qu’ils en étaient les seuls maîtres et que leurs générations successives l’ont peuplée de lenrs débris. Plus tard cer- tains habitans de la contrée s’en sont emparés , soit comme lieu d’habitation , soit comme lieu de sépulture : ils y ont laissé ces os affilés et pointus , ces dents percées en amulettes , ces poteries gros-

SEANCE DU 22 NOVEMBRE 1 83 1 . §§

sières que nous y avons trouvées. À une troisième époque, des ro- mains ont pu s’y cacher , s’y retrancher ou s’y ensevelir : delà , la figurine romaine et les bracelets de bronze,

Que faut-il pour arracher tons ces débris jusqu’ici distincts du lieu de leur sépulture ou de leur gisement j pour les mêler en- semble, les précipiter au fond de la grotte, les attacher à la voûte dans des couloirs inabordables? Il ne faut qu’une simple inonda- tion. Sans recourir pour la produire à ces cataclysmes dont on est si prodigue en géologie, il ne faut supposer qu’un barrage un peu élevé en aval de la rivière et la rupture d’un pareil barrage en amont qui élèvent subitement les eaux.

De pareilles catastrophes ont existé partout; partout on en trouve des traces ou des souvenirs, et dans le cas qui nous occupe, les sa- bles du Gardon retrouvés dans la caverne fournissent à l’appui de notre opinion un témoignage presque irrécusable.

Je dois ajouter pour terminer, que les os^ëmens humains me semblent moins pesans , plus altérés , moins pénétrés dans leur substance de matière terreuse que ceux des ours , et que , par con- séquent , leur aspect particulier me porte aussi à conclure qu’ils sont ensevelis depuis moins de temps que les autres.»

La Société décide qu’on priera l’auteur d’envoyer des pote- ries de la caverne.

M. Deshayes rend compte de ses observations faites près d’Epernay.

«J’ai constaté que les argiles à liguites d’Epernay reposent entre la craie et des assises de meulière , qui recouvrent aussi le calcaire grossier les argiles sont placées en une espèce de parallélisme avec le calcaire grossier , qui n’offre dans ce lieu que ses assises infé- rieures et une partie de ses assises moyennes. A Dammerie, il ren- ferme au moins 4oo espèces de coquilles. Lorsqu’on va vers Dam- merie par le vallon de Lisy, on observe que le terrain argileux s’appuie sur le calcaire grossier et atteint le même niveau. D’un côté de la vallée , on voit d’abord des couches de galets roulés $ puis de bas en haut, l’argile plastique, le calcaire grossier , le grès marin supérieur et la meulière j et de l’autre, l’argile à liguites et à coquilles d’eau douce.

Ce dernier dépôt n’est qu’une continuation de celui du Soisson- nais et de Rlieims ; car près de cette dernière ville et à Hautvillers, le calcaire grossier et l’argile à lignites sont bout à bout l’un à côté de l’autre, c’est-à-dire que l’argile s’est déposée dans des vallées du

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calcaire grossier , et que les deux formations ont été couvertes en- suite par les meulières.

La colline entre Nantheuil-la-Fosse et Cumière offre , sur une de ces pentes, les argiles à lignites à coquilles d’eau douce et sur l’autre, le calcaire grossier. »

Après l’exposé de ces observations, M. Cordier rappelle que M. Prévost avait aussi annoncé que le calcaire grossier et les argiles à lignites du Soissonnais formaient des falaises appli- quées l’une contre l’autre bout à bout.

une alluvion fluviatile qui s’est amoncelée dans ce lieu , et qui n’a pu être portée que rarement et , en plus petites portions , dans le bassin parisien.

La discussion s’engage sur les meulières de La Ferté-sous- Jouarre , qui sont dans une argile sableuse et ont été réputées jusqu’ici une dépendance du sol tertiaire supérieur. Si ce der- nier terrain fournit la plupart des pierres meulières pour l’in- dustrie , on en extrait aussi , sur divers points , du dépôt fluviatile moyen des environs de Paris.

i

JondrGeo/ngi^ne^eJrnnçe^

Tom. //. Pi L

Fig'.l.

.'IComit. Cou/ir depuis Za. Hàus.rvye jusya'à Geriee-oy ,pr'es£eaaoais . ( Oise)

la Houssoye

X-iÛi de Roissy .

SÎJ4.;

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 .

61:

Séance du 5 décembre 1831.

M. Cordier occupe le fauteuil.

Le procès- verbal de la dernière séance est lu et adopte.

Il est fait hommage à la Société :

Par M.AlexandreBrongniart,d’un Mémoire intitulé Essai sur les Orbicules siliceux et sur les formes à surfaces courbes qu'affectent les Agates et les autres silex. Paris, 1 85 1 . Un ca- hier in- de 40 pages, avec 4 planches, extrait des Annales des Sciences naturelles.

<i° Par M. Studer, de sa Monographie de la Molasse {Mono- graphie der Molasse)., Un vol. in- de 427 pages , avec une carte et une coupe. Berne, 1 83 1 .

Par M. Walferdin, du T ableau général du commerce de la France avec ses colonies et les puissances étrangères , pendant l'année i85o, publié par l’Administration des Douanes. Un vol. grand in-4° de 71 pages.

Par M. Boué, des trois premiers volumes du Journal de Géologie. In -8°, i83oà 1 83 1 . GhezLevrault , libraire , à Paris.

Les quatre derniers cahiers contiennent outre les petites notices 16 mémoires, savoir : Des observations faites dans la Steppe des Kir- gliis; un Mémoire sur les Alpes, par MM. Sedgwick et Murchison; un Travail sur les terrains tertiaires inférieurs , par M. Reboul ; un Mémoire sur l’île de Sylt en Danemark , par M. Forkliammer; une Description des mines de Dognasca dans le Bannat, par M. Scherubel ; une Lettre de M. Savi sur les fossiles secondaires des montagnes de la Spezzia ; une Notice sur de nouvelles cavernes à ossemens, par MM. Marcel de Serres et Pitorre ; un Mémoire sui- tes brèches osseuses à coquilles marines et sur des dépôts très-récens de Sardaigne , par M. de la Marmora ; la Description des bassins tertiaires de Baza et d’ Alhama dans le royaume de Grenade , par M. Silvertop ; une Description du sol tertiaire au pied des Alpes Allemandes, par M. Boué ; une Note sur les idées de M. de Beau- mont relativement aux soulèvemens, par M. Boué; un Tableau des nouvelles sociétés savantes et des publications qui s’occupent de géologie, par M. Boué; une Notice sur les altérations des ro- ches calcaires du littoral de la Grèce, par M. Boblaye ; enfin, les deux Mémoires sur le petit Atlas et la Barbarie, par M. Rozet.

Sec. gefol. Tome II. 5

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 .

66

M. Saigcy envoie 27 numéros du Lycée, h partir du icr dé- cembre i85i, et accepte l’échange de ce journal contre le Bulletin de la Société.

M. de Férussac, comme directeur de la Société du Bulletin universel, adresse en échange du Bulletin de la Société, les quatre premiers cahiers du Bulletin des Sciences naturelles et de Géologie pour 1 83 1 .

Il est présenté par M. Boué:

ic Des observations sur les végétaux fossiles avec des figures de leur structure intérieure vue au microscope ( Observa- tions 011 fossil végétai les, etc. ), par M. H. Witham. In-4° de /jô pages, avec 6 planches. Londres, 1 83 1 .

20 La Flore fossile de la Grande-Bretagne, ou des figures et des descriptions des végétaux fossiles de ce pays ( The fossil Flora, of great Britcdn , etc. ) , par MM. Lindley et Iiutton. In-8° , par cahiers de 20 pl. et de 60 p. de texte. Numéros I et II. Londres, 1 83 1 . Prix du cahier : 4 sch. 6 p.

Esquisse de l’histoire naturelle de la Lithuanie , de la Volhynie et de la Podolie, sous les rapports géognostique , mi- néralogique, botanique et zoologique (Nalurhistorische Skizze von Lithauen , V olhynien u Fodolien, etc. ) , par Ed. Eich- wald. In-4° de s56 pages, avec 5 pl. Wilna, i83o.

Le premier cahier du troisième volume des Archives de minéralogie , de géogno&ie, etc., du docteur Karslen. Berlin, 1 85i.

Ce cahier contient une description géologique d’une partie de la Silésie inférieure et des montagnes de la Bohême , avec une carte géologique , par MM. Zobel et Carnall la Description des rochers appelés Bruchhauser-Steine sur l’îssenberg, dans le district d’Arns- berg, par M. Noggerath; un Voyage aux mines de Ramos,c!e Catorze et de Chareas dans l’état de San Luis Potosi au Mexique, par M. Burkart , et un Mémoire sur le sol tertiaire parisien avec une coupe, parM. de Strombeck.

Le troisième cahier des Annales de minéralogie , de géo- logie et de paléontologie > de MM. de Léonhard et Brown. Hei- delberg, 1 85 1 .

On y trouve un Mémoire de M. Rengger sur les cols et les pas-

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 8 3 1 . 67

sages praticables pour les voitures dans les Alpes, et une disserta- tion de M. Studer sur la place de la géologie parmi les sciences na- rélles et sur les subdivisions qu’on peut y établir.

La description géognostique du duché de Nassau, surtout p ar rapport aux sources minérales de ce pays ( Geognostische Beschreibung des H erzogthums Nassau, etc.) In-8° de 606 p. , avec une carte géologique en 4 feuilles. Wiesbaden, i83i.

70 Tableau des rapports orographiques et géognostiques du N. O. de l’Allemagne [Ubersicht der orographischen and geog- nosiiscken VerJmltnisse, etc.), par M, F. Hoffmann. 2 vol. in-8% avec une carte et deux planches de coupes. Leipzig, i'83o.

On lit la lettre suivante de M. le comte Munster:

a Les N ummulites citées par M. D’ Alberti dans le Muschelkalk du Wurtemberg , 11e m’ont offert aucune chambre et ne peuvent donc pas appartenir à ce genre. Eu général, je n’ai encore vu nulle part en Allemagne, soit dans la craie , soit dans le sol tertiaire de véritables Nummulites, mais il y en a dans les couches entre la craie et le ter- rain tertiaire des Alpes Bavaroises. D’un autre coté,, les autres dé- pôts tertiaires de l’Allemagne m’ont offert quelques centaines d’es- pèces de Céphalopodes foraminifères. Les fossiles qu’on a pris pour des Nummulites au Mont- Saint-Pierre près de Maëstricht appar- tiennent sans exception aux Orbitolites. Dans les formations plus anciennes il y a, commel’on sait, quelques espèces de la même classe des Céphalopodes foraminifères.

J’ai visité les Alpes du Salzbourg et du Tyrol, j’ai eu le plaisir de rassembler dans ce dernier pays près de Saint-Cassian , dans le baillage d’Enncberg ( au nord de la vallée de Fassa ), plus de i3o espèces de coquilles avec leur test ; il y en a près de 100 qui sont nouvelles et je suis occupé à les décrire.

La détermination des formations dans les Alpes au moyen de la zoologie, paraît être une chose difficile, puisque le même dépôt y paraîtrait recéler des fossiles qu’on croyait jusqu’ici appartenir à plusieurs formations.

Je n’ai trouvé dans le calcaire compacte rouge à Oi tliocères du Salzbourg, ni Bélemnites , ni véritables Ammonites , mais deux espèces d’Ortliocères et des fragmens de Goniatites , tandis que le calcaire marneux brun rouge à Bélemnites, m’a offert i5 espèces d’ Ammonites , d’un pouce à un pied de diamètre , dont deux sont nouvelles et les autres caractéristiques du lias.

65 SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 .

Les Bélemnites, les Trigonellites et les Térébratules de ces mêmes couches, sont à l’ordinaire dans la même classe de dépôt qui règne des deux côtés de la Salza et qui est moins élevé que les roches* à Orthocères.»

On lit la lettre suivante de M. le professeur Studer , de Berne :

« Les pétrifications, en particulier les Ammonites du pied nord du Stockhorn ou du Fallbach près de Blumenstein, ont été recon- nues par M.Y oltz pour des fossiles du lias, tandis qu’il classe d’après les caractères paléontologiques le calcaire de Chatel Saint - Denis , des Yoirons et de toute la chaîne du Stockhorn dans l’étage juras- sique moyen. Quant aux roches calcaires et charboneuses de Bol- t.igen, leurs fossiles les font ranger pai\M. Yoltz dans l’argile de de Kimmeridge et le dépôt Portlandien. Pour quiconque avait visité les lieux, il était impossible d’adopter le classement de M.Bron- gniart , qui aurait voulu retrouver des roches tertiaires à Boltigen. Au contraire les classifications que M. Yoltz a faites d’après l’ins- pection seule des fossiles, se trouvent conformes aux observations de gisement de ces divers dépôts. Eu effet, les roches de Boltigen sont superposées distinctement au calcaire ammonitifère du Stock- horn et les oolites foncées de cette chaîne sont bien à leur place dans la nature. En se prolongeant dans le pays de Fribourg, la chaîne du Stockorn change petit à petit sa direction de l’E. à l’O. , pour celle du N. E. au S. O.; or, d’après la théorie de M. de Beaumont le point un pareil changement a lieu devrait offrir des disloca- tions et des entrecroisemens de directions ou de systèmes divers , ce qui n’a pas lieu , puisque ce changement se fait au moyen d'une courbure peu forte. M. de Beaumont se fiant au tracé défec- tueux des cartes , a cru retrouver un indice de son système Pyrénéo- Apennin dans l’extrémité orientale de cette chaîne; néanmoins il s’est laissé induire en erreur, car la direction y est encore celle de l’E. àl’O., et son extrémité vient toucher à Reutigen. D’un autre côté, une portion de la chaîne calcaire qui accompagne le versant nord de la chaîne du Niescn , s’étend à travers le Simmen- thaï , et vient se juxtà-poser à l’extrémité sus-mentionnée du Stockhorn. Dans le défilé de Wimmis , on coupe une por- tion de cette chaîne au sud du Stockhorn, et sur un aperçu su- perficiel, on pourrait croire qu’elle fait encore partie de cette dernière chaîne. J’avoue que je ne vois pas non plus ce qui peut porter M. de Beaumont à prolonger la ligne de son système des

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 . 69

Alpes occidentales à travers les Alpes Suisses ; je n’en connais pas d’indices même à Marti gnv , les cartes pourraient en faire pré- sumer. Dans l’extrémité orientale des Alpes , cette chaîne subit une courbure pour se prolonger dans les Carpathes par Wimpassing et Theben. La carte géologique de M. Partsch et les mémoires de M. Boué ont suffisamment détaillé ce fait. Or, il en résulte que M. de Beaumont se serait aussi trompé en classant le Sommering dans le système Apennin, tandis que la forme du contour extérieur lui a suffi pour placer dans son système nord-sud ITstrie, qui ap- partient probablement au système Apennin.»

La Société approuve les décisions suivantes du conseil :

MM. Cartier, de Roissy et Clément Mullet sont nommés pour vérifier les comptes du Trésorier; MM. Iléricart Ferrand, Vé- ma-rd et Puillon-Boblaye pour examiner la gestion de l’Archiviste.

On accepte l’échange du Bulletin de la Société contre le Mémorial encyclopédique de M. Bailly de Merlieux.

Chaque membre de la Société n’a droit qu’à un seul exem- plaire du Bulletin, lors même qu’il offrirait d’en payer le prix.

On nomme une commission composée de MM. Deshayes , Walferdin et Dufrénoy, pour s’entendre avec un libraire, sur l’impression des Mémoires de la Société, en s’en tenant , autant que possible, aux termes du réglement pour ce genre de publication.

Le local de la Société sera désormais ouvert , pour tous les Membres, les dimanches, de 10 heures à 4 » et tous les lundis , autres que ceux des séances ordinaires, de 7 à 10 heures du soir.

M. Dufrénoy lit une Note sur ia position géologique des prin- cipales mines de fer de la partie orientale des Pyrénées.

«Les mines de fer sont répandues à l’extrémité orientale des Py- rénées avec une grande profusion; elles y forment ordinairement des masses plus ou moins considérables, disséminées d’une manière très-irrégulière dans un calcaire saccharin , gris clair, que l’on a regardé pendant long-temps comme de transition , et que nous rapportons à des formations différentes malgré ses caractères pres- que uniformes. Cette constance dans les caractères du calcaire, quel que soit son âge, parait due, ainsi que nous allons l’indiquer, à la même cause que la formation des minerais de fer, c’est-a-dire, au contact du terrain calcaire et de granité.

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 -

Les nombreuses mines de fer qui sont exploitées sur les pentes du Canigou fournissent un exemple très-remarquable de cette position; elles forment par leur ensemble une espèce de zone cir- culaire d’environ huit mille toises de diamètre qui enveloppe |le Canigou de tous côtés presqu’à la meme hauteur, et dont les prin- cipaux points sont: Py , Fillols , Saint-Etienne-dc-Pomers , Val- mague et Battere.

Les minerais sont un mélange de fer spathique, de fer hématite brun , de fer oxidé rouge et de fer oligiste écailleux. Les deux premiers sont beaucoup plus abondans et forment seuls la base des exploitations. Ils sont inégalement réparfis dans les mines ; quelques-unes fournissent presque exclusivement du fer spathique, et d’autres de l’hématite brune. Le minerai existe également dans le calcaire et dans le granité; cependant il est plus pur et plus abondant dans la première de ces roches ; aussi les puits d’extrac- tion sont-ils ordinairement ouverts du côté du calcaire.

Les gîtes métallifères se présentent tantôt sous forme de filons , de veines parallèles aux couches, ou d’amas, intercalés indifférem- ment, ainsi que nous venons de le dire, dans le granité et dans le calcaire. Ces gîtes ne se prolongent pas très avant dans ces deux roches ; elles constituent par leur réunion une espèce de bande placée au contact du granité et du calcaire , de sorte que , malgré la grande irrégularité du gisement de chacune de ces mines de fer, cependant leur ensemble affecte une certaine régularité. Le cal- caire qui accompagne les mines de fer du Canigou est constam- ment saccharoïde, et presque toujours blanc ; il présente alors (àPv, Fillols, Valmague, etc.) les caractères du marbre de Carrare. On ne rencontre pas de fossiles dans ce calcaire, on pour- rait donc le supposer primitif. Mais d’après des observations nom- breuses que nous avons été à même de renouveler cette année, les calcaires saccharoïdes de la chaîne des Pyrénées , ne sont que des exceptions locales, et ils dépendent des terrains qui les environnent. Les calcaires saccharoïdes du Canigou feraient donc partie des ter- rains de transition de Villefranche et de Livia situés au pied de ce massif de montagnes. Ils en auraient été séparés à l’époque la montagne qui les supporte s’est élevée, et c’est à la même cause qui a fait surgir cette montagne que sont dus la texture cristalline du calcaire et les nombreux dépôts de minerais de fer de cette con- trée. Plusieurs années s’étant écoulées depuis que j’ai visité les mines de fer du Canigou, je ne saurais donner des détails plus cir- constanciés sur leur manière d’être, mais j’ai été à même d’étu- dier il y a peu de temps lin gisement analogue dans la vallée de

si 1 N CE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 . 71

Gly; je vais le décrire pour donner une idée plus complète de la position remarquable de ces minerais de fer.

Ce gisement est situé à une petite distance de Saint-Paul *de Fe- nouillet, à une demi-heure du pont de la Fou, la Gly entre dans une gorge étroite et profonde ouverte dans un calcaire cristallin en couches presque verticales. Les caractères extérieurs de ce calcaire ne sauraient nous donner aucune idée de son âge; il a constamment été rangé avec les terrains de transition des, Pyrénées, et ce n’est que dans le voyage que je fis l’année dernière dans cette contrée, avec M. Elie de Beaumont , que nous reconnûmes qu’il appartient au terrain de craie inférieure. Ce calcaire est en effet associé à des mar- nes noires renfermant des fossiles de cette formation; il pré- sente en outre quelques indices d’Hippurites et de Dicérates. Ces fossiles disséminés dans le calcaire saccharoïde sont à l’état lamel- leux; ils se dessinent presque toujours en noir sur la pâte du cal- caire qui est d’un gris bleuâtre, analogue à la couleur du marbre bleu turquin. Il faut avoir vu un grand nombre de ces fossiles pour pouvoir les reconnaître; ils paraissent avoir été comprimés dans tous les sens , et de plus ils sont tellement adhérens au calcaire, qu’il est difficile d’en détacher des fragmens caractérisés. Au pont de la Fou , les couches sont redressées très-brusquement, circonstance en rapport avec la présence dn granité qui se trouve à une petite distance de la surface du sol, et se montre au jour de tous cotés. Les minerais de fer, dont je veux parler, sont précisément au contact même du calcaire et d’une pointe de granité qui sort au milieu du terrain secondaire.

Depuis le pont de la Fou jusqu’à l’endroit l’on voit les mine- rais de fer, le calcaire présente les caractères généraux que je viens d’indiquer; cependant on peut dire qu’il est de plus en plus cris- tallin à mesure que l’on s’approche des masses granitiques. Au pont de la Fou, le calcaire était encore un peu esquilleux ; à trois cents mètres du granité, il est tout-à-fait saccharoïde, et ne contient plus de traces de fossiles.

Voici la disposition que l’on observe. Les conciles plongent vers FEst 25° Sud sous un angle de 7 , de manière à s’appuyer sur le granité qui forme les collines de St. -Martin. On marche sur le calcaire saccharoïde gris clair jusqu’à cent mètres environ de la masse principale de granité, et seulement à trente-trois mètres d’une rar mification de granité dont je vais bientôt parler. On trouve alors:

Un calcaire rougeâtre saccharoïde ferrugineux , formant des couches régulièrcs?dont la puissance est de quinze mètres environ. On n’observe pas de passage de ce calcaire au calcaire saccharoïde gris

72 SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 .

clair qui le recouvre. La ligne qui le sépare est très-tranchée; il n’en est pas de même de sa surface de contact avec la roche sur la- quelle *il est superposé.

C’est une dolomie assez solide quoique composée de la réunion de petits rhomboèdres isolés. Cette roche , non stratifiée, forme une masse carriée dans tous les sens, qui peut avoir dix-liuit mè- tres de puissance. Elle se décompose d’une manière très-irrégu- lière ; sa surface est fortement colorée , tandis que dans une cas- sure fraîche cette dolomie est d’un jaune terne très-clair. Elle con- tient quelques veines fort irrégulières de fer apathique à très-petits grains , et des taches de fer spéculaire. Le fer spathique se distin- gue avec difficulté au premier abord de la dolomie ; mais on re- marque bientôt qu’il est plutôt en lames qu’en cristaux. La couleur foncée des surfaces extérieures des masses de dolomie, est due à l’altération du fer spathique.

La dolomie recouvre immédiatement une roche feldspathi- que très-quarzeuse qui forme une espèce de filon couché de vingt- deux mètres de puissance. Il est difficile de donner une idée exacte de cette roche; elle est le résultat de la pénétration du granité dans le terrain , et formé par conséquent d’un mélange d’élémens très-différens. Cette masse ne présente aucune stratification. Elle est pénétrée dans tous les sens de fer spathique lamellaire qui y est disséminé sous forme de réseau. Il est accompagné de pyrites et d’un peu de fer oligiste. Ce dernier minéral est plus abondant dans une couche plus rapprochée du granité que celle-ci.

Le mélange de dolomie et de fer spathique qui recouvre la roche quarzeuse dont nous venons de donner la description, forme de nouveau une masse de 2 mètres de puissance. Elle s’appuie sur :

Une roche granitoïde non stratifiée, formant cependant une masse disposée parallèlement aux couches, et dont la puissance est de 37 mètres. Cette roche est composée de feldspath à très- grandes lames, de mica vert, et de quarz très peu visible. Elle est mélangée de fer spathique et de fer oligiste écailleux,distribués sous forme de petits nids. Les parties qui contiennent les minerais mé- talliques paraissent altérées , le feldspath qui est alors verdâtre se laisse entamer par une pointe d’acier ;

A cette roche granitoïde succède de nouveau de la dolomie , qui forme comme une salbande épaisse à l’espèce de filon feldspa- thique dont nous venons de parler. Cette troisième masse de dolo- mie , dont la puissance est de douze mètres , est beaucoup moins régulière que les deux premières. Ses surfaces de contact ne sont pas planes , la dolomie pénètre un peu dans la roche granitoïde

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE ï83l. ^3

précédente et dans le granité sur lequel elle s’appuie. Elle contient encore du fer spathique , mais elle est surtout riche en fer oligiste écailleux qui y est disséminé en nids assez abondans.

70 Enfin on trouve le granité qui forme les montagnes de St.- Martin. Il diffère essentiellement de la roche granitoïde n. 5 , il est à petits grains et à mica noir. Malgré cette différence , on peut assurer que la roche granitoïde intercalée dans la dolomie est une ramification du granité. C’est très-probablement à l’action réci- proque du granité sur le calcaire et aux dégagemens de gaz qui ont du se faire au contact de ces deux roches que sont dus la différence de texture du granité , les changemens que le calcaire a éprouvés et l’introduction des minerais de fer.

Ce gisement intéressant nous fournit une nouvelle preuve du peu d’ancienneté du granité des Pyrénées. Comment concevoir en effet l’intercalation de la roche granitoïde entre deux couches de dolomie , si le granité ne s’y était introduit à la manière des fi- ions? La position presque verticale des couches et le parallélisme de la dolomie , et des masses de granité s’opposent à la supposition que le calcaire s’est déposé dans les anfractuosités du granité, tandis que le soulèvement de cette roche postérieurement au terrain de craie , et son épanchement entre deux couches de ce terrain, expli- quent d’une manière simple et naturelle le phénomène que nous venons de décrire

Les mines de fer de Rancié dans l’Arriége qui alimentent à elles seules un grand nombre d’usines, nous paraissent d’après nos obser- vations et surtout d’après celles de M. Marrot, se trouver dans la même position que les minerais de fer du Canigou. En effet , le gîte métallifère est placé à la proximité du granité, dont le contact avec le calcaire s’observe à une petite distance de la mine dans le ravin de Sem, et il contient de la dolomie. En outre, M. Marrot annonce , dans un Mémoire inséré dans les Annales des Mines ( Volume 4 , page 3 1 4 ) ? « que les couches du terrain de tran- » sition sont quelquefois interrompues par d’énormes masses de » granité, auxquelles ces roches adhèrent parfaitement, quoique le » passage soit brusque de l’une à l’autre. Ces couches de transi- » tion renferment alors quelques filons contenant de la galène ar- » gentifère, du cuivre pyriteux et souvent des amas de minerai de » ter analogues à ceux de la vallée de Sem. »

Ces détails nous conduisent à conclure que la plupart des mines de fer de la partie orientale des Pyrénées sont placées à la jonction des terrains de granité et de calcaire , que leur formation est en rapport intime avec le soulèvement de la chaîne granitique, enfin

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 83 1 .

que la texture cristalline est également un résultat de cette action, laquelle s’est transmise au calcaire, quelle que soit la formation à i laquelle il appartient. »

On lit un Mémoire de M. Reboul, intitulé Précis de quelques observations sur la structure des Pyrénées.

« Les observations que j’ai eu l’honneur de soumettre àl’Académie sur la structure de la chaîne des Pyrénées m’ont paru mériter son attention, en ce qu’elles modifient et contredisent, à quelques égards , les opinions les plus accréditées sur la géographie physique de ces montagnes.

Comme on est plus occupé qne jamais à chercher dans la di- rection des grandes chaînes, et dans leurs relations géologiques , des indices propres à décéler le mode et l’âge de leur formation ;

j’ai essayé de soumettre à un nouvel examen la détermination de l’axe pyrénéen et les rapports de cet axe , soit avec la direction des strates inclinés , soit avec les principales parties dont se com- pose la chaîne totale.

Ces recherches m’ont conduit aux conclusions suivantes bien i peu conformes aux idées émises jusqu’à ce jour : Qne les Pyrénées ne sont point dirigées de FE.-S.-E. à l’O.-N.-O., mais à i5°, au moins, plus au sud de cet alignement} Que la direction des stra- tes y est rarement parallèle à cet axe; Qu’elles ne constituent point une chaîne simple , et qu’on puisse supposer avoir été formée d’un seul jet; Qu’on y trouve, comme dans les autres chaînes de montagnes , des indices de plusieurs évulsions souterraines dont elles sont le produit; Que ces évulsions, qui paraissent s’être succédées pendant la longue durée des anciennes périodes , se sont prolongées, comme celles des Alpes, jusque dans les temps assez avancés de la période tertiaire.

Les monts Pyrénées , dit Pline , séparent les Gaules de l’Espagne eu jetant deux promontoires dans les mers opposées (i). Ptolomée a indiqué la situation du promontoire occidental au golfe de Gas- cogne . et l’a désigné par le nom d’OEaso , que Danville rapporte à la punta de Figuera , près l’embouchure de la Ridassoa , et Gos- selin au cap Macliicaco , sur les confins du Guipuscoa et de la Biscaye; mais ni ce cap , ni la punta di Figuera ne terminent la chaîne des Pyrénées. Ils en sont de simples appendices: et, en les laissant au nord , elle se prolonge jusqu’aux rivages de la Galice.

(i) Ilist. nat. , 1. 3 ch. 3.

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 83 1 -

C'est ainsi que l'avait envisagée Strabon, le plus judicieux et le mieux informé des géographes anciens.

Cette erreur de Pline et de Ptolomée, quoique relevée par Danvillc , se retrouve néanmoins encore conservée textuellement dans la plupart des descriptions des géologues de notre siècle. Ceux même qni l’ont reconnue ont continué d’admettre les fausses conséquences qu’on en avait déduites. C’est ainsi que la direction de la chaîne des Pyrénées se trouve déterminée presqu’ unanime- ment du cap Créons à la punta di Figuera , deux points extrêmes dont l’un est situé au sud, l’autre au nord du véritable alignement de l’axe pyrénéen.

Cet axe commence dans la Méditerranée , non au cap Créons en Espagne , mais à celui de Cervères dont la crête sépare le plus également les torrens dirigés au nord de ceux dirigés vers le midi. Cette crête centrale , formée par la ligne de partage des eaux , a été aussi adoptée par la politique comme limite naturelle des Gaules et de l’ Espagne (i).

Le point se termine à l’occident l’axe pyrénéen est plus difficile à déterminer , parce qu’aux approches de la mer de Galice la chaîne subit une bifurcation dont les deux branches vont se terminer, l’une au cap Ortégal , l’autre au cap Finistère.

Un alignement dirigé du cap Cervères au point commence cette bifurcation, viendrait atteindre la mer entre les deux caps auprès de la Corogne et à l’île Sisarga.

Cet alignement remplit mieux qu’aucun autre les conditions prescrites pour un axe géographique , ou plutôt il est le seul qui les remplisse. C’est lui qui s’écarte le moins des sinuosités extrêmes de la crête formée par les deux versants , qui partage le plus éga- lement entre ces deux pentes la région montueuse , et qui lie plus naturellement les extrémités avec le centre , les sommités les plus notables avec les points eulminans d’où partent les principaux courants fluviatiles , tels que l’Aude , l’Arriége , la Garonne , les Gaves en France , et en Espagne la Sègre , le Douro et le Minlio.

Or, l’alignement de cet axe pyrénéen qui , du cap Cervères à la Corogne affleure les sources de tous ces courans, bien qu’il laisse encore un peu au midi les arêtes dominantes des Maladettes et de Marboré , s’écarte seulement de 6 à 70 de la parallèle à l’équateur. Il y a loin de cette détermination à celle qui le suppose dirigé à l’O. N. O.

Si on voulait n’avoir égard qu’à la chaîne - limite des deux

(1) Cervaria finis galliea, Pomp. Mêla.

76 SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 .

royaumes , un alignement tiré du cap Cervères au col d* Arrais , point culminant le plus voisin du golfe de Gascogne , ne s’éloignerait que de io° nord de la parallèle à l’équateur. Mais outre l’inconvénient de 11e point être applicable à la chaîne totale, il laisserait à une grande distance la région centrale et dominante de toutes les Pyrénées.

Quant à la ligne dirigée du cap Créons à la Punfa de Figuera , elle est, non seulement oblique à l’axe total, mais encore à cet axe fractionnaire ou limite des deux royaumes dont elle va toujours s’écartant vers le nord , après l’avoir coupé à peu dedistance de son point de départ et de la Méditerranée.

Cet axe supposé laisserait au midi , avec tout le versant espagnol une grande partie de celui de France, et notamment toutes ses hautes régions ; au lieu de limiter au sud ce versant , il le traver- serait obliquement, et le diviserait en deux parties, dont la plus considérable se trouverait jointe aux Pyrénées espagnoles déjà plus spacieuses que celles de France.

Il suffit d’exposer ces faits pour en offrir la preuve , il n’y a point de carte des contrées pyrénéennes il ne soit facile de les vérifier.

On peut admettre dans une chaîne plusieurs axes géologiques , soit à raison de l’alignement de certaines roches spéciales , soit à cause de la direction qu’affectent les feuillets et les bancs des ro- ches stratifiées , mais il est évident que ces axes sont partiels à moins qu’ils ne se confondent par leur parallélisme avec l’axe cen- tral et géographique , qui est , par sa nature et par les considéra- tions géométriques, unique et universel.

La recherche d’un axe granitique me paraît, jusqu’à ce jour, avoir été infructueuse. Les masses de cette roche forment au sein des Pyrénées comme de grandes îles qui ne s’éloignent, ni entre elles , ni avec l’axe géogïaphique.

Dans la région occidentale dès Pyrénées françaises, M. Palassou a reconnu que les traînées de l’ophite se prolongeaient à peu près comme la chaîne de l’est à l’ouest , mais ces roches manquent presqu’entièrement dans la région orientale.

Tous les géologues qui ont écrit sur ces montagnes paraissent unanimes touchant la direction générale des strates vers l’O.N. O. et leur parallélisme avec l’axe pyrénéen. Mais si cet axe ne s’écarte que de 6 à 70 vers le nord de la parallèle à l’équateur, et si les strates sont en effet dirigés vers l’O. N. O., ces deux lignes, loin d’être parallèles se coupent sous un angle de plus de i5°.

Il existe dans les Pyrénées françaises , et notamment dans les

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE l8oi. 77

vallées coulent les afflue ns de la Garonne et de l’Adour, un grand nombre d’arêtes obliques , dirigées ainsi que leurs strates vers l’O. N. O, et même vers le N. O, Le cours des torrens y est, à divers intervalles, parallèle à ces strates et à ces arêtes qu’ils interrompent ensuite en se repliant dans des coupures étroites et transversales. Cette direction fréquente des strates des Pyrénées vers l’O. N. O. ayant été d’abord reconnue par M. Palassou , puis vérifiée par d’autres observateurs , on n’a eu aucun égard aux exceptions que le premier avait indiquées , ni à beaucoup d’autres non moins réelles. On s’est hâté d’ériger cette direction en loi générale et de lui assujettir la chaîne toute entière. Mais cette in- duction s’évanouit devant la preuve directe que des bancs dirigés vers l’O. N. O. s’écartent au moins de i5° de l’alignement de l’axe pyrénéen. M. Palassou a eu le mérite d’apercevoir le rapport qui existe entre la disposition des strates et l’axe de la chaîne , quoiqu’il eût d’abord méconnu la vraie direction de celui-ci , mais en recti- fiant cette détermination comme l’a fait, eu 1819, ce respectable observateur dans ses derniers travaux sur l’ophite (x). Il suffit d’appliquer le rapport qu’il avait découvert, non à la direction locale de quelques strates , mais à la direction moyenne de tous. En effet, plusieurs arêtes des Pyrénées sont dirigées vers l’O. S. O., et leurs bancs suivent cette direction ; telle est celle du Ganigou dont on voit sur les sommités les gneis et les schistes micacée dirigés comme la protubérance dont ils forment le faîte.

On rencontre aussi, mais assez rarement, des bancs dirigés comme la chaîne totale de l’Est à l’Ouest. Les anomalies de ces directions sont très nombreuses et souvent très rapprochées.

Les sinuosités du faîte rendent manifeste la multitude de petites arêtes, qu’il est moins facile de distinguer dans les régions moyennes. Leur obliquité relativement à l’axe central, leur inci- dence réciproque et leur jonction en un faîte sinueux prouvent que la chaîne des Pyréuées a été comme toutes les autres , le pro- duit d’un grand nombre de soulèvemens partiels. Cette consé- quence qui se déduit des irrégularités de détail de la crête centra- le est confirmée par le rapport de ses grandes et principales divi- sions.

Indépendamment des chaînons qu’on peut reconnaître sur les deux versans , il y en a trois principaux et bien distincts qui con- courent à former ce long faîte des Pyrénées. L’arête qui domine la région orientale suit la direction de l’E. N. E. à l’O. S. O. Elle s’é-

(1) Suite des Méiwvr(,s . p. 4 1 :k

ÿ8 SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 i .

tend de la plaine du Roussillon à celle de la Catalogne en bordant en France la rive droite de la Tet , et en Espagne la rive gauche de la Sègre, jusqu’au-dessous de la Seu d’Urgel. Ses nombreux som- mets atteignent la hauteur de 14 à i5oo toises , entre le Canigou de Roussillon et le Puigmaljde Cerdagne , qui en est le point le plus élevé. La crête centrale qu’il interrompt entre Mont-Louis et Prats de Mollo lui est très inférieure.

Les vallées de la Tet et de la Ségre qui se joignent par leurs sommets , forment au pied de ce chaînon une longue coupure lon- gitudinale, la seule de cette espèce qui se présente dans toute l’é- tendue de la chaîne. Le grand bassin Cerdagne occupe le col! culminant de la double vallée qui semble isoler cette région orien- tale du reste de la chaîne. Cette ancienne cavité lacustre, la plus! grande qui se rencontre dans les Pyrénées , se trouve ainsi placée1, dans l’alignement du faîte à une hauteur d’environ 6oo toises au-! dessous de ses sommets (i).

C’est au N. O. de ce bassin que se relève la seconde arête dirigée vers l’O. i/4 N. Sa hauteur se rapproche de i5oo toises vers lesj sources de l’Ariège orientale, et dépasse ce terme dans la région | de l’Ariège occidentale! Elle se prolonge dans celle de Salat, et jusqu’aux premiers rameaux de la vallée dJAran , puis s’abaisse et se perd dans les montagnes du versant français. C’est celle-ci dont l’alignement prolongé viendrait se terminer près l’embouchure de i la Bidassoa.

Le faîte des Pyrénées passe brusquement de cette arête à une, autre plus méridionale. Celle-ci est en effet la principale, elle em- brasse dans son alignement presque parallèle les points les plus notables de la chaîne. Plusieurs géologues ont cru que cette arête! maîtresse était la continuation de la précédente et qu’elles étaient réunies par un repli ; d’autres ont considéré l’une et l’autre comme; parallèles. Il est d’abord évident que l’alignement de la première

(i) On a observé aussi , dans l’appendice des Pyrénées appelé Corbières , une déviation fréquente des arêtes et des strates vers l’O. S. O. , ce qui les rend pa- ! rallèles au chaînon du Canigou et du Puigmal. Cet appendice est lié aux Cévennes par une arête qne l’Aude traverse entre les villages d’Homes et d’Argens. Cette arête pyrénéo-gébennique en se prolongeant sur le N. E. et la vallée du Rhône , borde au nord les bassins tertiaires de l’Aude , de l'Orb et de l’Hérault. L’Orb y creuse un défilé au dessous de Cassenon, L’Ergue , au-dessous de Lodère , l’Hérault entre Gangen et St-Guillera.

Ainsi , on peut suivre la trace des évulsions qui ont soulevé les Alpes occidentales dans les directions approchantes de l’O. S. O. à l’E. N. E., non seulement jusqu’au voisinage , mais jusqu’au centre des Pyrénées.

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1 85 1 .

£e dirige vers la mer de Gascogne, et que l’autre est la seule dont le prolongement atteindrait la mer de Galice. On peut aussi se con- vaincre qu’aucun repli ne èe fait remarquer entre les deux arêtes juxtà-posées , et qu’ellês se joignent seulement par leurs pentes in- verses dans le bassin de Beret qui fut aussi un ancien lac dont les eaux comme celles du grand bassin de Cerdagne ont s’écouler à la fois vers la France et vers l’Espagne.

Ainsi, la chaîne des Pyrénées , quoiqu’elle soit l’une des plus simples, est néanmoins composée de plusieurs arêtes qui affectent des directions différentes , soit dans l’alignement de leurs masses , soit dans celui de leurs strates. Cette disposition l’assimile aux au- tres chaînes plus compliquées , et prouve que son exhaussement s’est pareillement opéré par le concours de plusieurs évulsions par- tielles , soit contemporaines, soit successives.

Cette induction ne s’accorde point avec la théorie si ingénieuse et si séduisante de M. Elie de Beaumont qui attribue à diverses époques les soulèvemcns dont la direction n’est point la même, et suppose néanmoins que les Pyrénées ont été formées d’un seul jet. Que devient en effet cette théorie, si le chaînon du Canigou et du Puygmal et celui des sources de l’Ariège et du Salat qui se croi- sent sous un angle de plus de 3o°, ont été le produit d’une même évulsion.

On trouve dans les Pyrénées les indices de roches soulevées à plusieurs époques , soit avant, soit après celle des dépôts secon- daires les plus récents portés au sommet du Mont-Perdu.

Le plus ancien de ces indices est la présence des calamites dans les grauwack.es de la Maladetta et dans les dépôts d’anthracite des terrains intermédiaires. L’époque du soulèvement de ces terrains anciens n’est pas bien connue , mais quand ils se sont formés, les végétaux dont ils ont enfoui les restes couronnaient les hauteurs voisines de leurs bassins , et ces hauteurs étaient déjà des monta- gnes.

D’autre part, on a observé dans le Roussillon les molasses ter- tiaires soulevées comme au voisinage des Alpes. C’est au débouché de la Tet , dans la plaine , qu’on peut vérifier ce fait important , le seul peut-être le terrain tertiaire de sédiment , non alluvial et pareil à celui de l’Hérault ou des Apennins , se trouve en con- tact avec les roches pyrénéennes. Car depuis les bords de la mer de Gascogne jusqu’à l’embouchure du Tech dans la Méditerranée, la chaîne sc montre partout entourée de terrains d’alluvion : mais à Nafiach , près Millas , les sables du dépôt coquiller laissent à découvert un grand lambeau de molasses et de marnes sableuses

8o SÉANCE DU Ô DÉCEMBRE 1 85 1 .

bleuâtres adossées à la roche quartzeuse pyrénéenne , soulevées avec elle et plongeant au S. avec une inclinaison d’environ 3o°(i).

Non seulement il suffit de ce fait pour annuler les inductions qui ont fait considérer le soulèvement des Pyrénées comme anté- rieur à celui des Alpes , mais peut-être serait-on autorisé à tirer l’induction contraire de la comparaison des phénomènes des deux régions montagneuses; car les dépôts glauconiens qui occupent aux Pyrénées le point central du Mont-Perdu , ne se rencontrent aux Alpes que sur des sommités latérales et à des hauteurs moyennes (2). Et quant aux molasses soulevées , celles des Pyrénées reposent immédiatement sur les roches de l’arête centrale , au lieu qu’aux Alpes elles n’atteignent point cette arête, mais occupent seulement une partie de la chaîne extérieure, qui, d’après les observations de Saussure appartient plutôt au système du Jura qu’à celui des Alpes du Mont-Blanc. Ce grand observateur a fait remarquer que la vallée de Taninge et celle du Reposoir servaient de limites aux deux systèmes , et qu’à partir de cet alignement les bancs se rele- vaient d’un côté vers le Mont-Blanc pour former la grande arête des Alpes occidentales, de l’autre vers le cours du Rhône et le Jura (3). Or, c’est dans celle-ci seulement que se rencontrent les molasses.

Comme la plupart des systèmes de montagnes ( les volcaniques exceptées) se ressemblent beaucoup par la composition et la dispo- sition de leurs roches , il est probable qu’ils diffèrent entre eux bien plus par les accidens locaux que par des rapports généraux, tels que les dates du temps aurait commencé leur apparition et celui elle se serait achevée. Cette apparition est le phénomène le plus saillant et le plus universel des anciennes périodes géolo- giques. Les indices du soulèvement des roches remplissent quel- ques époques de la primitive et toutes celles de la secondaire. Elles se reproduisent à plusieurs reprises pendant l’époque ter- tiaire, où les grandes évulsions terrestres qui avaient produit les j grandes chaînes de montagnes ont commencé à être suppléées par les éruptions volcaniques et les tremblemens de terre dont nous j sommes encore les témoins. »

Après la lecture de ce Mémoire, M. Dufrénoy annonce qu’il ! a reconnu avec M. de Beaumont qu’il existe quatre directions

(1) Voyez la Planche 1,

(2) A la montage de Fis près Servos, et à celle des Diablerelz dans le Bgs-Valais.

(3) Voyez la Planche 2.

SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1 85 1 . 8l

de soulèvement dans les Pyrénées. Le plus ancien a suivi immé- diatement la formation des terrains intermédiaires. Le second a eu lieu entre le dépôt du grès vert , ou plutôt de la craie an- cienne et l’assise supérieure des terrains crétacés. Le défilé de Pancorbo entre Vittoria et Burgos en offre un exemple très-re- marquable ; sa direction est S. 25° O., la même que le système des Alpes occidentales. Le troisième est postérieur à tout le système crayeux; il se dirige de l’ouest i6° nord à l’est i6°sud. Enfin, le quatrième, qui a donné naissance aux ophites , aux gypses et au sel gemme, est d’une époque plus récente que les terrains tertiaires; sa direction est à peu près 0. 120 S., E. 120 N. , la même que la chaîne principale des Alpes. Malgré ces quatre directions , dont on observe des traces dans plusieurs vallées, il est néanmoins entièrement vrai , comme l’a annoncé de Beaumont, que la chaîne des Pyrénées doit son relief actuel et sa direction générale au troisième système de soulève- ment, celui qui est postérieur au terrain de craie, les deux pre- miers ayant été modifiés par le soulèvement de la chaîne. Quant au quatrième, il ne se fait sentir que dans les endroits i’ophite s’est fait jour.

M. Boué commence la lecture d’un Mémoire intitulé Essai pour apprécier les avantages de la paléontologie appliquée à la géognosie et a la géologie.

Séance du 19 décembre 1831.

M. Gordier occupe le fauteuil.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la précé- dente séance, le président proclame membre de la Société :

M. R avergie, naturaliste-voyageur du Muséum, présenté par MM. Brongniart et Michelin.

La Société reçoit les ouvrages suivans :

De la part de M. de Férussac, le cahier de mai du Bulletin des Sciences naturelles et de Géologie.

De la part de M. Bailly de Merlieux , le numéro 12 du Mémorial encyclopédique,

Soc. gdol. Tome II. <>

82

SEANCE DU 19 DÉCEMBRE l83j.

3* De a part de la Société de géographie, le cahier d’octobre 1 85 1 de son Bulletin.

De la part de la Société d’histoire naturelle de Marbourg, dans la Hesse électorale, la seconde partie du premier volume de ses Mémoires ( Schriften der Gesellschaft zur Beforderung der gcsammten Nalurwissenscliaften zu Marburg. In - 8°.

1 85 1.)

5* De la part de la Société industrielle de Mulhouse, les numéros 2, 5, 4 et 5 de la Statistique générale du département du Ilaut-Bhin , publiée par cette Société et mise en ordre par M. Achille Penot. In 4'* Mulhouse, 1 83 1 .

G0 De la part de M. Rozet, son Cours élémentaire de Géo- gnosie. In-8°. Paris , Levrault , 1880.

70 De la part de M. Boué , les Voyages minéralogiques en Calabre et dans la Pouille ( Miner alogische Beisen durch Cala- brien u. Àpulien ), par Albert Fortis. In- 8°. Weimar, 1788.

Il est présenté par le secrétaire les ouvrages suivans ;

i* L 'Itinéraire géologique et minéralogique dans les dépar- temens de la Moselle , du Haul-Bhin , du Bas-Bhin , des V os - ge s, de la Meurtlie et dans des contrées voisines , par M. Victor Senion. In-8° de 18 pages; extrait des Mémoires de l’Acadé- mie de Metz. 1 85 1 .

20 Les deux dernières parties du premier volume des Tran- sactions de la Société d'histoire naturelle du N orthumberland, de Durham et de Newcastle sur la Tyne. 2 vol. in- 4°, formant 237 p. et accompagnés de i5 planches, de coupes ou de cartes géologiques. Newcastle et Londres, 1 83 1 .

On y trouve les mémoires géologiques suivans : Remarques sur la géologie des bords de la Tweed de Carnham dans le Nor- Jl thumberland jusqu’à la mer à Berwick , par M. Winch ; la Des- < ription d’un groupe de filons trappéens dans les houillères de Witehaven , par M. Williamson Peile ; une Notice sur les mines de charbon de Gilmerton , dans le Mid Lothian , pab M. DuUn * un Mémoire sur les grès rouges du Berwickshire , en particulier sur ceux de l’embouchure de la Tweed , par M. Witham ; une Description des troncs fossiles trouvés dans les mines de houille de Killingworth, à 48 toises de profondeur ? par M. Nicolas Wood;

SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1 83 1 . 85

un Synopsis des lits de houille dans le district de Newcastle et des coupes détaillées des houillères de ce lieu, par M. Buddle; la Des- cription d’un arbre fossile trouvé à Craigleith près d’Edimbourg , par M. Witham ; et un Mémoire sur la géologie d’une partie du Northumberland et du Cumberland , par M. Wood.

3* Deux cahiers du vingtième volume du J ournat américain des Sciences et des Arts, de M. Silliman.

On y remarque un Mémoire sur les roches intermédiaires du Cataraqui , par le capitaine Bonnycastle ; une Notice sur les traces d’érosion observées à la surface des rochers de grauwacke dans les Alleghany, parM. W. Thompson; une notice sur les régions vol- caniques de Pile de Owyhée, par M. Goodrich ; et un Rapport de MM. Cooper , Smith et de Kay, sur les ossemens fossiles Big- Bone Lick, dans le Kentucky.

Le secrétaire donne quelques détails sur la première grande réunion des naturalistes et physiciens d’Angleterre , tenue à York du 26 au 29 septembre i83i, et sur les Mémoires géolo- giques lus dans ces assemblées.

Le but de cette association est de donner une impulsion plus forte et une direction plus systématique aux recherches scientifi- ques, de mettre les savans de la Grande-Bretagne plus fréquemment en rapport avec les naturalistes étrangers , et en général de faire avancer les sciences en tâchant de lever les obstacles qui retardent leurs progrès.

Outre les réunions annuelles , cette Société a établi des sous-co- mités et des comités locaux; un droit d’entrée d’une livre ster- ling couvrira les frais de correspondance et l’impression des Mé- moires lus.

M. Philipps a fait un discours sur la géologie du Yorksliire et a discuté la détermination zoologique d’un fossile trouvé dans le charbon de West-Riding. Ce serait peut-être un poisson.

M. Hutton a lu un Mémoire sur le grand filon trappéen de l’An- gleterre septentrionale.

MM. Murchison et Philipps ont ajouté des observations sur les filons semblables du Durham , et M. Witliam a présenté une No- tice sur la végétation et la formation des houillères.

La Société s’occupe pendant quelques instans d’un puits foré par M.Degouzée dans le faubourg St- Antoine, rue de la Roquette.

84

SÉANCE T)U 19 DÉCEMBRE 1 8 3 1 .

L’eau ascendante a été trouvée h i5o pieds de profondeur, après? avoir traversé 5o pieds de sable, 5o pieds de marnes, 4& pieds de calcaire et de marne, 3o pieds d’argile pyriteuse, puis des sables verts et des grès.

On parle ensuite d’un puits semblable exécuté près du Jardin des Plantes, et dans lequel on a trouvé , à 4<>o pieds de profon- deur, de l’eau s’élevant à un pied au-dessous du niveau du sol.

M. Rozet fait hommage à la Société et met sous ses yeux une suite de roches d’Alger, de l’Atlas et d’Oran , consistant en 000 échantillons de roches et 96 fossiles.

M. Teissier d’Anduze envoie à la Société le dessin de la figu- rine et de la lampe antique trouvées dans la caverne du Fort près de Miaîet. Il y joint le dessin d’une tête humaine et d’une mâchoire inférieure. L’angle facial , pris avec un équerre mo- bile, est de 70°. C’est la tête d’un vieillard , tandis que la mâ- choire inférieure appartient à un jeune sujet.

Les deux molaires qui sont en place sont sans mamelons , usées, à couronne plate, et creusées chacune de cinq petits cnfoncemens. Cette forme 11’est, selon l’auteur, l’effet ni du temps, ni de l’ensevelissement, mais de la mastication de corps durs : ce qui indique un état frugivore , une civilisation peu avancée, et une nourriture au moyen de racines, de glands et de fruits acres et durs.

Il promet de procurer à la Société quelques débris de po- terie.

Depuis son dernier Mémoire , on a découvert dans la grotte de grosses dents d’hyène, mars en petit nombre; des fragmens de Jade et de silex effilés , mais petits , qui peuvent ayoir servi de petits couteaux ou d’instrumens de chirurgie; un crâne de ruminant surmonté d’un fragment de grosse corne ayant envi- ron huit pouces de longueur , et qu’il croit avoir appartenu au genre Antilope; enfin, une énorme patte d’ours entière , dont tous les os, même les sésamoïdes, étaient en connexion et em- pâtés dans de l’argile durcie.

Tous ces objets, et la plupart de ceux décrits dans les précé- dentes communications de M. Teissier, appartiennent à M. Ju-

8o

SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE l83i.

lien, ex-étudiant en médecine, demeurant maintenant à Mialet. Ce dernier offre à la Société d’en faire l’acquisition, proposition qui est renvoyée à l’examen du conseil.

On lit la note suivante de M. Teissier:

« Ayant pour quelques jours à ma disposition une tête entière d'ours , que je rapporte à Yursus spelœus de M. Cuvier , je l’ai exactement mesurée dans tous les sens et dans toutes les parties , et j’adresse à la Société le tableau de ces dimensions. J’espère qu’elle le recevra avec intérêt. Les dimensions sont en général plus fortes que celles de Yursus spelœus d’Iserlohn et de Lunel-Viel; dJail- leurs, ces dimensions sont complètes, tandis que les tableaux cités offrent beaucoup de lacunes , sans doute à cause de l’imperfection des échantillons.

ï . Longueur de la tête depuis l’épine ou protubérance oc- cipitale jusqu’aux incisives supérieures ( plus grande m.

longueur de la tête ) o,535

2. Largeur du crâne entre les apophyses post - orbitaires

du frontal , ces apophyses non comprises 0,1 3o

3. Distance de l’extrémité postérieure de l’épine occipitale à une ligne qui couperait en travers les apophyses post-orbitaires du frontal d’un côté à l’autre ( en sui-

vant les courbures ) o,3oo

4- Distance de la même ligne aux incisives (en suivant les

courbures) 0,270

5. Distance de cette ligne à la réunion des crêtes qui vien-

nent des apophyses post-orbitaires du frontal pour former la crête sagittale <>,220

6. Plus grande longueur des arcades zygomatiques. . . . 0,200

7. Distance de l’apophyse post-orbitaire de l’os molaire

d’un côté à celle du côté opposé ( les apophyses com- prises ) 0,1 5o

8. Longueur d’une incisive latérale ou troisième supé

rieure, portion saillante hors de l’alvéole 0,020

9. La même incisive incrustée à la partie la plus épaisse

de sa racine 0,020

10. Hauteur de la portion émaillée